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expulsés du royaume, il avait établi dans différentes villes des écoles où l’on enseignait, suivant des méthodes différentes des leurs, le latin, le grec et l’hébreu. En 1761, il fonda le collège des nobles, afin que la classe la plus opulente de la société participât aux lumières du temps, et en fît profiter l’état dans les emplois publics qu’elle recherchait. En 1772, le chargé d’affaires de France, Montigny, rendant compte à son gouvernement de l’état de l’instruction publique en Portugal, put dire qu’il y avait huit cent trente-sept écoles primaires ou secondaires. En 1768, il créa une imprimerie royale et un conseil de censure, qui malgré son nom était une institution libérale, en ce sens qu’il remplaçait la censure des évêques, qui était rigoureuse et frappait les écrits où la pensée se permettait quelque hardiesse, par une autre beaucoup plus indulgente. En 1772, il s’occupa de l’université de Coimbre, où, selon M. Gomès, les jésuites s’étaient introduits pour la désorganiser. Il se fit nommer par lettres patentes visiteur et réformateur de ce grand établissement avec les pouvoirs les plus illimités. « Nous vous créons, était-il dit, protecteur et comme roi et souverain seigneur de ladite université, » et Pombal remplit grandement et avec succès la tâche qu’il s’était ainsi prescrite. À cette occasion, il se fit rendre dans la ville des honneurs et des hommages éclatans qu’un ministre prudent doit toujours décliner, car ils portent ombrage aux princes, et ils irritent les sujets.

On lui doit aussi d’utiles réformes dans la législation civile et la suppression de beaucoup d’abus. Il restreignit les substitutions, qui étaient une cause de stagnation et d’impuissance pour l’agriculture. Une grande partie des majorats cessa d’exister. Par un édit du 2 juin 1774, il améliora l’administration des finances, qui laissait beaucoup à désirer, et celle des ordres militaires, qui était dans le même cas. Il diminua les facilités qu’avaient les créanciers pour emprisonner les débiteurs, restreignit le pouvoir absolu qu’avaient les pères sur le mariage de leurs enfans. Il proclama l’égalité entre les indigènes des Indes portugaises et les blancs, introduisit d’heureux changemens dans l’administration et les lois de ces possessions jadis florissantes, établit la règle que tout esclave qui touchait le sol portugais devint libre, et abolit toutes les différences légales entre les anciens chrétiens et les nouveaux, qui étaient des juifs convertis. Enfin il supprima le droit consuétudinaire, fâcheuse coutume en vertu de laquelle le fils succédait au père dans une partie des emplois publics.

A l’extérieur, Pombal maintint avec une grande fermeté l’indépendance et la dignité de son pays. Il les fit respecter de l’Angleterre, qui envoya à Lisbonne une ambassade en réparation d’une violation du domaine maritime du Portugal commise par des navires