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Pombal fit de son pouvoir fut de l’imiter dans ses efforts pour susciter des fabriques au moyen d’encouragemens financiers et de privilèges. Il dépensa ainsi des sommes importantes, mais avec très peu de résultats. En général, ces industries en serre-chaude ont eu peu de succès, en quelque lieu qu’on les ait fait apparaître.

En 1758 survint un événement fort imprévu qui acheva de porter son autorité au plus haut point, et qui lui fournit l’occasion de réaliser avec une plus grande vigueur la pensée politique qui lui tenait le plus au cœur, celle de l’exaltation du pouvoir royal sur les débris de la puissance des ordres privilégiés. La personne du roi fut l’objet d’une tentative d’assassinat. Le 3 septembre, Joseph Ier se rendait de Lisbonne à Belem, lorsqu’il fut atteint de deux coups de feu. La cause du crime était une intrigue qu’il entretenait avec la jeune marquise Theresa de Tavora. C’est pendant que le roi se rendait près d’elle qu’on aurait tiré sur lui. Il est constant qu’il fut grièvement blessé au bras, sans que cependant la blessure mît sa vie en péril. On dissimula pendant quelque temps ; mais le 12 décembre, Pombal, qui avait dit à tout le monde que, si le roi gardait la chambre, c’était à la suite d’une chute, démasqua tout à coup ses batteries. Il fit saisir comme auteurs de l’attentat le duc d’Aveiro, de la grande famille de Mascarenhas, qui la veille avait rempli près du roi les devoirs de grand-maître de sa maison, le marquis de Tavora, beau-père de doña Theresa, sa femme, la marquise Léonore de Tavora, leurs deux fils et le comte d’Attouguia. Quelques-uns des serviteurs du duc d’Aveiro furent incarcérés avec leur maître comme complices. En même temps toutes les maisons des jésuites furent entourées de troupes ; mais ce n’est que lorsque l’arrêt eût été rendu contre le duc d’Aveiro et la famille Tavora qu’on en arrêta trois, les pères Malagrida, Mattos et Alexandre. Quelques jours après la première fournée d’accusés, d’autres personnages furent incarcérés. Le nombre total des personnes ainsi placées sous la main de la justice fut considérable ; par leur rang, la mesure était plus grave encore que par leur nombre, et elle produisit une sensation extraordinaire.

Les Tavora et les Mascarenhas étaient des premières familles du pays. Le duc d’Aveiro, un Mascarenhas, était allié des Tavora ; il avait rempli de grandes fonctions sous le règne de Jean V. doña Léonore était une femme remarquable par la distinction de son esprit, mais d’une humeur altière, et on assure qu’elle avait traité avec hauteur Pombal un jour qu’il lui avait exprimé le désir d’unir leurs deux familles par un mariage entre les enfans. Le duc d’Aveiro, qui avait été dépouillé de presque tous ses emplois, et le marquis de Tavora, auquel on avait refusé le titre de duc après son