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court. Toutefois ce délai n’est pas une limite fatale, c’est une base d’opération qui se prêtera aux tempéramens qu’exigeront les circonstances. De plus il résulte du rapport officiel que déjà dix-huit départemens ont ; adopté des combinaisons financières qui assurent l’exécution des travaux dans la période décennale, et que vingt-huit autres n’ont qu’un faible effort à faire pour arriver au même résultat. On est donc fondé à espérer qu’en dehors des exceptions dont il faut toujours tenir compte en pareil cas, on aura, dans dix ans, accompli la plus grande partie de l’œuvre et atteint le but dans ce qu’il a d’essentiel.

Même ainsi comprise, l’opération exigera de la part des agens-voyers un très grand effort. Elle ne comporte pas seulement la préparation des projets, la rédaction des devis, l’étude sur place des tracés, la direction des travaux ; si c’est là le côté le plus considérable et le plus apparent de la tâche des agens, il s’en faut qu’elle se réduise à cela. L’agent-voyer, après avoir fait sa tournée, le niveau et le mètre à la main, est obligé de relever ses carnets, de vérifier ses états, de mettre sa comptabilité en ordre. La comptabilité, qui est la base de toute administration bien ordonnée, a laissé à désirer jusqu’ici dans le service des chemins vicinaux. Une réforme sur ce point est d’autant plus opportune qu’une bonne comptabilité vicinale ; en même temps qu’elle éclairera le contrôle des conseils municipaux et des conseils-généraux, fournira au gouvernement les élémens du compte-rendu qu’il doit présenter aux chambres. Cette constatation est indispensable pour que l’emploi des subventions soit surveillé ; l’administration supérieure n’exige d’ailleurs que les documens qui lui sont vraiment nécessaires. Toutefois on ne peut se dissimuler que ces écritures imposeront aux agens-voyers un surcroît de travail dont il y a lieu de se préoccuper, car après tout ils doivent rester des hommes d’exécution pratique et non devenir des hommes de cabinet. Il est donc à souhaiter que les conseils-généraux organisent sur de larges bases le cadre d’un personnel dévoué-et plein d’ardeur, mais véritablement surchargé.

Une préoccupation plus grave encore, c’est celle du renchérissement que peut entraîner, soit dans le prix des matériaux, soit surtout dans celui de la main-d’œuvre, la multiplicité des travaux. Rien n’indique que cette hausse se soit déjà manifestée ; mais on ne saurait en être surpris, puisque la campagne de 1869 a surtout consisté en études préparatoires ; tout porte à penser que, lorsque les ateliers seront simultanément ouverts dans tous les départemens et presque dans toutes les communes, on n’échappera pas à un phénomène aussi conforme aux indications de la science économique. Il en résulterait un accroissement de dépenses, et par suite un