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Exigeait de chaque journalier sept ou huit journées de corvée, que le corvéable était quelquefois obligé de se transporter jusqu’à dix et quinze lieues de son domicile, et que la perception était abandonnée à l’arbitraire des subalternes. Enfin, tandis que la prestation est répartie d’après des règles dont l’uniformité est absolue, la corvée, qui n’atteignait point les privilégiés, retombait de tout son poids sur le cultivateur. Celui-ci était froissé dans ses sentimens de justice en même temps que lésé dans ses intérêts matériels. Quelquefois peut-être souffrait-il moins de la charge elle-même que d’être le seul à la supporter, et il semble en effet qu’on prît alors pour la rendre plus pénible autant de soin qu’on en met aujourd’hui à l’alléger.

Telle qu’elle est organisée aujourd’hui, la prestation présente pour l’habitant des campagnes ce précieux avantage, qu’il peut se libérer soit en nature, soit en argent. Il préfère le plus souvent s’acquitter en nature[1] ; il aime mieux donner ses bras que son argent. On ne réclame d’ailleurs la prestation dans les ateliers, autant que possible, que lorsque les travaux agricoles sont en chômage ou peuvent du moins être interrompus sans préjudice trop sérieux. On s’efforce aussi de convertir les journées en taches, mesure excellente qui donné au contribuable plus de latitude et de temps pour se libérer, et qui, au point de vue technique, produit les meilleurs résultats.

En général, la prestation est acquittée en nature dans les départemens où la population est pauvre et la main-d’œuvre peu rétribuée relie est rachetée en argent dans les départemens où l’agriculture est avancée, où l’aisance est répandue, où le salaire que le journalier peut obtenir en louant ses bras est supérieur au prix de rachat, que le conseil-général fixé toujours à un taux modéré. Quelquefois le mode de libération est déterminé par des causes purement locales. C’est ainsi que dans le département de la Haute-Vienne le nombre considérable des rachats en argent dérive du colonage partiaire. La charge de la prestation en effet, d’après les coutumes ; se partage entré le propriétaire et le colon ; le premier ne peut s’acquitter en nature, parce que les instrumens et les animaux sont entre les mains du colon, et celui-ci, n’étant pas admis à faire une option partielle, acquitte nécessairement en argent.

Mais la cause qui influe le plus directement sur le mode de paiement de la prestation, c’est la destination qu’on lui donne : le contribuable l’acquitte en argent ou en nature, suivant qu’on l’oblige

  1. Sur 100 journées inscrites aux rôles de l’exercice 1869, 62 ont été acquittées en nature et 37 rachetées en argent.