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Ainsi qu’on peut le remarquer, le prix de la pension est en sens inverse de l’âge de l’enfant, car, au fur et à mesure qu’il grandit, il peut rendre mille petits services qui sont une sorte de compensation ! aux soins dont il est l’objet. A six ou sept ans, selon les pays qu’il habite, il peut conduire aux champs les dindons ou les oies ; à dix ans, il garde les moutons, il tresse des paniers, il jette la bottelée de foin dans le râtelier des écuries, il porte la pitance aux hommes qui font la moisson. A douze ans, la pension est supprimée, car il est considéré comme pouvant fournir un travail équivalent à la nourriture qu’il reçoit. Jusqu’au même âge, il est habillé par l’administration, qui chaque année lui fait remettre une vêture proportionnée à sa taille et à son développement présumé. Il est stipulé avec les nourriciers que les enfans doivent fréquenter les écoles communales depuis six ans jusqu’à quatorze. Pour les encourager à faire donner quelque instruction aux pupilles, on leur accorde une gratification, et l’on paie une somme mensuelle, variant de 50 centimes à 1 franc 50 centimes, aux instituteurs et institutrices dont les classes sont fréquentées par les enfans assistés. En 1869, les encouragemens pour l’instruction ont grevé le budget de l’assistance publique d’une somme de 85,458 francs 25 centimes. Malgré un tel chiffre, il paraît qu’elle n’est pas encore assez élevée, car, sur 8,145 enfans qui auraient dû faire acte de présence aux écoles, 6,672 seulement les ont suivies. Le paysan ne comprend pas encore bien l’utilité de l’instruction ; pour lui, le temps qui n’est pas employé à un travail manuel est du temps perdu. Les préjugés en cette matière sont singulièrement tenaces, et nous leur devons d’offrir cette anomalie au moins étrange d’un peuple qui ne sait ni lire ni écrire, et dont le premier droit politique est le suffrage universel. L’instruction religieuse est moins négligée, et sur 2,745 enfans qui par leur âge étaient arrivés au moment de la recevoir, 2,094 ont pu en profiter.

L’assistance publique, agissant par les sous-inspecteurs, ne néglige aucun moyen d’enseigner à ses pupilles la grande vertu domestique et sociale, qui est l’économie ; elle leur apprend à connaître le prix de l’argent. Du reste elle prêche d’exemple, et souvent elle a prouvé à quelle somme de résultats importans on pouvait parvenir avec des ressources restreintes bien employées. Le nombre des livrets de caisse d’épargne appartenant aux enfans assistés était en 1869 de 5,428, représentant la valeur relativement considérable de 394,076 francs 75 centimes. Si de telles habitudes d’ordre et de régularité étaient propagées, développées, entretenues dans la classe ouvrière, le problème social serait bien près d’avoir reçu la solution qu’il sollicite en vain de tous côtés.