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LES
EMBOUCHURES DU DANUBE
ET LA
COMMISSIONN INSTITUEE PAR LE CONGRES DE PARIS

Bien souvent, depuis la guerre de Crimée, on a nié en France, en Angleterre et ailleurs, que les résultats de ce grand effort aient valu les sacrifices qu’il a coûtés ; on l’a représenté comme une entreprise mal conçue et mal conduite, comme une ambitieuse parade, comme une stérile dépense d’hommes et d’argent. De ceux qui parlaient ainsi, les uns obéissaient à des passions politiques, ils n’admettaient pas que le gouvernement impérial eût pu, même une fois, avoir une sage et patriotique pensée ; les autres, philhellènes attardés, s’indignaient que les vainqueurs de Navarin eussent pu s’allier aux Turcs contre leur ancien compagnon d’armes ; d’autres enfin, approuvant l’idée d’une coalition européenne contre la Russie, se plaignaient non moins vivement que l’on n’eût pas su lui faire porter tous ses fruits, que l’on se fût arrêté sans avoir détruit Cronstadt, rendu la Finlande à la Suède, surtout affranchi et reconstitué la Pologne. Si l’on devait rester en route, disaient-ils, n’aurait-il pas mieux valu ne point faire la guerre ? On avait aidé la Russie à découvrir ses propres défauts et à les corriger, on l’humiliait sans l’amoindrir, on lui donnait ainsi à grands frais des leçons qui lui serviraient à mieux prendre ses mesures une autre fois. Parmi ceux même qui sentaient la difficulté de si grands changemens, quelques-uns pensaient que l’on avait trop vite abandonné Constantinople, et que, pour prix du service rendu, on aurait dû faire signer au sultan une lettre de change au profit des chrétiens d’Orient.