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incontestable ; mais remarque-t-on assez combien la conduite de la plupart des cultivateurs diffère de celle des industriels ? Les premiers cherchent à réaliser des bénéfices en se privant, en économisant, les autres cherchent sans relâche à innover, à perfectionner leurs procédés, à tirer parti de toutes les matières dont ils peuvent disposer, à les revivifier, quand elles ont été altérées, pour les employer de nouveau, à remplacer, quand ils le peuvent, les matières premières dont ils se servent par des matières d’un plus grand rendement ou d’un prix moins élevé. Si les possesseurs de bestiaux, les cultivateurs, avaient cet esprit d’innovation qui est la source de tout progrès, verrions-nous tous les ans 40, 50 millions de kilogr. de résidus des huileries exportés de nos ports de mer et de nos villes frontières pour aller engraisser les animaux et améliorer les terres des cultivateurs allemands ou anglais ? N’est-ce pas déplorable de voir que non-seulement nous ne conservons pas les tourteaux de sésame, d’arachide, de cotonnier, etc., provenant de graines exotiques, mais que nous laissons même exporter ceux qui proviennent de nos récoltes, que nous appauvrissons ainsi le domaine qui produit les plantes industrielles au lieu de tirer parti des résidus de ces plantes pour l’améliorer ?

Il serait trop long d’énumérer tous les végétaux qui peuvent être utilisés et qui doivent l’être. Toutes les plantes vulgairement appelées sauvages, c’est-à-dire qui ne sont pas cultivées, mais que les animaux mangent, peuvent entrer dans la composition des provendes. Nous citerons les consoudes, abondantes dans les lieux humides, la grande patience des jardins, la patience des près, la patience des Alpes, utilisées sur les montagnes pour nourrir les porcs que l’on engraisse avec le petit lait, la berce des prés, les orties, et en particulier l’ortie commune, l’orpin blanc, orpin des vignes, etc. Une plante malheureusement trop commune parce qu’elle nuit aux arbres fruitiers sur lesquels elle vit en parasite, le gui (viscum album), est très nutritive. Les chèvres la recherchent, la mangent avec avidité. Les petits cultivateurs du midi, qui en connaissent la valeur, la récoltent. Le gui est très commun dans nos pays à riches herbages où les pommiers sont si nombreux. Il y aurait un double profit à l’enlever pour les bestiaux. En raison de sa nature succulente, il peut être mêlé avec avantage aux matières fibreuses.

Avant de quitter ce sujet, disons qu’on peut employer à la nourriture du bétail le ramassis des granges et des greniers, les graines de foin, les criblures, etc. Vannés et débarrassés de la poussière, ces produits sont très propres à nourrir les bestiaux. Ils sont composés de débris de tiges et de feuilles, de petites fleurs desséchées et de graines. À cause de ces dernières, toujours riches en albuminoïdes, en phosphates, et souvent en principes gras, les balayures