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tourteaux, elles servent à former de bonnes provendes, très convenables pour les vaches laitières ; mêlées à des racines coupées, à quelques grains concassés, elles peuvent avantageusement être administrées aux attelages. Les feuilles vertes sont moins aqueuses que l’herbe des prés et plus riches en azote ; d’après quelques auteurs, les feuilles sèches auraient une valeur à peu près équivalente à celle du foin. Celles de plusieurs arbres ont été analysées par M. Isidore Pierre ; elles pourraient être classées comme il suit, d’après la quantité d’azote qu’elles contiennent : feuilles de tilleul 1,45 pour 100, d’orme 1,01, de mûrier noir 1, de peuplier 0,81, de lierre grimpant 0,54.

Rappelons que la dépaissance dans les bois, dont on a parlé beaucoup dans ces derniers temps, n’est point sans inconvéniens. Les feuilles d’arbre mangées en grande quantité, surtout les bourgeons et les jeunes branches, occasionnent une maladie des organes digestifs et des voies urinaires appelée mal de brou. On prévient ce dérangement dans la santé des animaux en leur donnant par jour un repas avec de l’herbe des prés, des racines ou des feuilles de plantes herbacées, et en leur procurant de la bonne eau pour boisson. Il faut peu compter sur l’herbe qui pousse dans les bois pour produire les effets d’un bon pâturage : elle est peu sapide, et les animaux la dédaignent. Les feuilles des arbres verts peuvent être une ressource pour la mauvaise saison ; dans le Tyrol, la ramée du pin rend de bons services. On les considère cependant comme pouvant produire l’hématurie, et, quand on en fait consommer, il est essentiel de prendre les précautions que nous venons de recommander. Il est toujours facile, par des soins, de profiter de l’avantage de cette nourriture en se préservant des inconvéniens. On voit qu’à la rigueur ce ne sont pas les ressources alimentaires qui nous manquent ; nous ne savons pas assez les utiliser : en temps ordinaire, on ne peut couper qu’exceptionnellement en été les taillis et les arbres plantés sur les bords des routes pour faire des feuillards ; mais il n’y aurait aucun inconvénient à en profiter dans une année de disette de fourrages comme celle-ci. Ce qu’on perdrait en matière ligneuse en élaguant les arbres et en coupant les taillis pendant qu’ils sont en feuilles, on le regagnerait amplement en substances fourragères.

Faut-il rappeler l’ajonc épineux, ulex europœus ? Calloet imprimait, il y a deux siècles, en 1666, que l’ajonc vaut mieux pour nourrir les poulains que le foin, qu’il est favorable aux chevaux qui travaillent, qu’il prévient le développement de la pousse. Anderson a dit depuis que l’ajonc est très bon pour l’engraissement du bœuf et pour l’entretien des vaches laitières et des brebis. Tous les auteurs modernes répètent qu’il donne aux chevaux autant de feu et