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rapprochemens inattendus et savans, exposés dans un style original et éloquent. N’y eût-il là en effet que des aperçus et des rapprochemens, le mérite du livre serait encore considérable ; mais l’ambition de l’auteur est plus vaste, et c’est une science véritable qu’il veut fonder, la plus complète de toutes les sciences, puisque, sous une même loi, elle renfermerait le développement de l’univers tout entier depuis que les nébuleuses se sont concentrées pour former les astres et la terre. Le livre de la Création ne nous présente assurément pas cette science comme faite, mais il suffit à la gloire de l’auteur de l’avoir entrevue.

Ce n’est pas d’ailleurs la première fois que les hommes ont songé à comparer le développement des institutions humaines aux périodes terrestres, et à ne point faire une différence absolue entre les mouvemens de la matière et ceux des sociétés. Les ouvrages d’un grand nombre de philosophes modernes sont remplis de comparaisons de ce genre et dans le cours de cette étude nous les avons cités plus d’une fois. M. Paul de Jouvencel a depuis longtemps proposé d’enseigner l’histoire aux enfans en commençant par le commencement, c’est-à-dire par la description des couches géologiques. Plus d’un écrivain a comparé les révolutions aux orages et les mouvemens populaires au flux et au reflux de la mer. N’était-ce point déjà entrevoir une analogie entre les forces naturelles et les forces morales que faire ainsi parler Charles-Quint ?

Ah ! le peuple ! Océan. — Onde sans cesse émue
Où l’on ne jette rien sans que tout ne remue !
Vague qui broie un trône et qui berce un tombeau !
Miroir où rarement un roi se voit en beau !
Ah ! si l’on regardait parfois dans ce flot sombre,
On y verrait au fond des empires sans nombre,
Grands vaisseaux naufragés que son flux et reflux
Roule, et qui le gênaient, et qu’il ne connaît plus.

Même dans une littérature plus classique, de telles comparaisons ont été de mise, et Homère ne s’en est pas fait faute. Les progrès de la science donnent à ces vues plus de réalité ; l’on peut concevoir l’espérance de se rapprocher de plus en plus de cette science que Bacon supposait, et qui réunit toutes les branches du savoir. Est-il permis de dire cependant que le but est atteint aujourd’hui ? N’entrevoyons-nous pas entre l’histoire naturelle et l’histoire politique une analogie de procédés plutôt qu’une identité de faits et de résultats ? Connaissons-nous assez bien les lois naturelles pour les appliquer à l’histoire ? Celle-ci est-elle assez scientifique aujourd’hui pour que les lois historiques nous puissent servir à éclaircir des problèmes qui ont tant besoin de précision et de rigueur ?

La paléontologie, très récente, se perfectionne et se transforme