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régulière ! Le mélange d’un corps de troupes avec les équipages n’est guère qu’un cas d’exception en vue d’une destination déterminée ; autrement le soldat à bord est une gêne sans compensation, un surcroît de dépense inopportun quand rien ne le motive. Il est en outre des circonstances où le débarquement d’une troupe est impossible, et où il ne reste plus d’autre moyen d’action que l’emploi des équipages. S’agit-il, par exemple, de débarquer et de se rembarquer au milieu des brisans, par de fortes houles, dans des anses hérissées de rochers et d’escarpemens, des matelots et d’agiles matelots peuvent seuls en courir le risque. Il y a d’ailleurs le chapitre des événemens imprévus. Un navire sans troupes à bord n’est-il pas souvent obligé de se défendre et, pour se bien défendre, d’aller droit à l’ennemi ? Un jour ce seront des forbans, un autre jour des peuplades sauvages ; dans les campagnes de découvertes, le cas est fréquent. Les équipages font alors des descentes et recourent à l’emploi de la force pour maintenir leur droit ou assurer leur salut.

Aguerrir les compagnies de débarquement, leur donner plus de consistance, les rendre propres à un service plus sûr, voilà le pas à faire, le vide à combler. Ces compagnies ont, il est vrai, leurs champs de manœuvres où on leur enseigne les mouvemens du combat et le maniement des armes, il en est qui s’y comportent comme de vieilles troupes ; mais du champ de manœuvres au champ d’action il y a loin, et c’est cette distance que l’escadre à diverses reprises fit franchir à ses équipages. La première tâche fut de compléter une organisation déjà fort avancée. Le commandant en chef divisa d’abord le corps de débarquement en deux bataillons commandés par des lieutenans de vaisseau et composés chacun de six pelotons de 16 files, et de deux batteries d’artillerie composées chacune de trois sections de deux obusiers de 4. Le personnel à fournir par bâtiment était de deux pelotons de fusiliers, soit 80 hommes environ, y compris les hommes hors rang et l’armement de deux obusiers, soit 25 hommes. Plus tard, le nombre des bataillons fut augmenté, et on adjoignit aux deux bataillons de fusiliers un bataillon de gabiers dits sapeurs abordeurs, composé de six pelotons de 16 files. Chaque bâtiment fournit pour ce bataillon un peloton. L’armement des sapeurs abordeurs est le sabre et le revolver. Des outils, des échelles, des cordes, des sacs, leur seraient délivrés suivant les circonstances. Ils auraient pour mission de construire des fortifications passagères, couper les ponts, les chemins de fer ou les lignes télégraphiques, porter les munitions et les vivres, prêter assistance aux hommes de l’artillerie. Enfin un dernier bataillon dit de réserve eut pour destination de garder les plages et d’assurer les rembarquemens. Le tout présentait une force de près