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encore cette fois ; le 10 août 1868, une frégate russe mouillait dans le port, ayant à bord comme lieutenant de vaisseau un membre de la famille impériale, le prince Alexis. Des saluts furent échangés, puis des courtoisies. Le prince visita le Magenta, la Provence et l’Héroïne, dont le commandant en chef lui fit les honneurs, et lorsque, peu de jours après, l’escadre reprit le large, la frégate russe l’accompagna pendant quelques heures dans un brillant appareillage fait à la voile et les feux éteints. A Oran, il y eut également des fêtes, suivies d’une descente simulée des compagnies de débarquement ; déjà les fusiliers et les obusiers de montagne avaient été passés en revue par le maréchal Mac-Mahon, qui leur avait donné la droite de l’armée.

En 1869, mêmes croisières et mêmes exercices sur un théâtre plus restreint, dans les rades de la Corse et sur les côtes de la Provence, avec quelques rentrées à Toulon. En novembre, quand le terme des deux campagnes allait arriver, celles-ci comprenaient déjà cent quarante et un jours passés à la mer, pendant lesquels l’escadre avait fait 3,800 milles à la voile et 6,200 milles à la vapeur. Avec la plus stricte économie, il avait été consommé, du 22 avril 1868 au 5 novembre 1860, près de 13,300 tonneaux de charbon. La consommation en dix-huit mois, rapportée au nombre total des milles parcourus, est donc de 1 tonneau, 330 par mille ; rapportée à la force nominale des machines, elle est de 2 tonneaux, 460 par cheval. Sur cette consommation, il faut pourtant déduire 4,000 tonneaux employés à la production de l’eau douce. Pour justifier cette dépense, il suffit de bien comprendre à quoi elle s’applique. L’escadre d’évolutions est aujourd’hui, de l’avis des hommes du métier, la grande école de manœuvre de la marine. Les deux campagnes dont nous faisons le récit ont servi à développer l’instruction de 160 officiers, de 100 aspirans et de 7,400 marins. Il s’était produit en 1868, en six mois, à bord des six bâtimens cuirassés de l’escadre, 1,326 mutations sur un effectif de 3,844 hommes ; en 1869, il a fallu en subir 2,356 dans une période correspondante. On voit avec quelle mobilité les hommes se succèdent, à quel nombreux personnel se distribue l’instruction que dispensent les escadres d’évolutions. Sur ce point, celle de la Méditerranée n’a pas mérité moins que les autres, elle apporte en outre un contingent d’études sur lesquelles il y a lieu d’arrêter l’attention, et qui consistent en des changemens opérés dans la tactique navale, dans l’artillerie, dans la mâture et l’emploi des voiles, dans la formation des équipages et dans les compagnies de débarquement.