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l’obscurité (à température et à poids égal), les grenouilles perdent par évaporation une quantité d’eau moitié moindre ou d’un tiers moindre qu’à la lumière blanche. Dans le rayon violet, la quantité d’eau perdue par l’animal est sensiblement la même qu’à la lumière blanche.

La lumière agit directement sur l’iris de presque tous les animaux et détermine ainsi le resserrement de la pupille, tandis que la chaleur opère le phénomène inverse. Cette excitation s’observe sur des yeux séparés depuis un certain temps du corps, ainsi que l’a constaté M. Brown-Séquard.

M. Bert a imaginé récemment des expériences fort curieuses sur les prédilections des animaux pour les divers rayons colorés. Il a pris des crustacés presque microscopiques, très communs dans nos eaux douces, des daphnies puces ; remarquables par l’empressement avec lequel ils se précipitent vers la lumière. Un certain nombre de ces insectes fut placé dans un vase de verre bien noirci ; on y introduisit ensuite un spectre lumineux. Les daphnies erraient dispersées dans le vase obscur. Sitôt que les couleurs du spectre apparurent, elles s’agitèrent et se groupèrent dans la direction de la traînée lumineuse. Un écran ayant été interposé, elles se dispersèrent de nouveau. Toutes les couleurs du spectre attiraient d’abord les daphnies. On remarqua bientôt qu’elles accouraient beaucoup plus vite au jaune et au vert, et que même, si à ces rayons on faisait succéder immédiatement les rayons violets, elles s’éloignaient un instant. Dans cette région du spectre jaune, vert et orangé, c’était donc un grouillement, une attraction surprenante. Une assez grande quantité de petits êtres se voyait encore dans le rouge, un certain nombre dans le bleu, quelques-uns, de plus en plus rares à mesure qu’on s’éloignait, dans les portions plus réfrangibles du violet et de l’ultraviolet. La région la plus lumineuse et la plus agréable du spectre était pour ces daphnies la même que pour nous. Elles s’y comportaient comme un homme qui, éclairé par un spectre et voulant lire quelque chose, s’approcherait du jaune et s’éloignerait du violet. Cela prouve d’abord que les daphnies voient tous les rayons lumineux que nous voyons nous-mêmes. Aperçoivent-elles les rayons calorifiques et chimiques, c’est-à-dire ultra-rouges et ultra-violets, qui n’affectent point notre rétine ? Les expériences de M. Bert nous autorisent à répondre que non. Ce physiologiste est même conduit à affirmer que, vis-à-vis de la lumière et des divers rayons, tous les animaux éprouvent les mêmes impressions que l’homme[1].

  1. On sait que les éclipses de soleil produisent sur les animaux et même sur certaines peuplades sauvages des effets très singuliers, et qu’ils manifestent alors leur effroi par des signes frappans.