Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/821

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant en poche : une grande charte qui devait redresser tous les griefs, donner satisfaction à toutes les plaintes, même à toutes les rancunes. Elle leur ménagea, contre leur désir formellement exprimé, une ovation. Une telle chaleur n’était pas pour durer. Elle tomba tout à coup, lorsqu’on les vit, au lieu de bombarder d’emblée une constitution, prendre le détour habituel d’une enquête et commencer par se rendre compte de la situation. « Nous nous sommes trouvés en arrivant, écrit Lewis dès la 5 novembre, à notre grande surprise, au comble de la popularité. On nous a fait, bien entendu, malgré nous, une sorte d’entrée, triomphale dans la ville, Les rues ont été illuminées le soir. On nous a fatigués de toute sorte d’hommages. Cet enthousiasme, toutefois n’a pas été de longue durée ; aujourd’hui nous commençons à ne valoir guère mieux que des œufs pourris et des chats morts. »

A peine à l’œuvre, les commissaires constatent, à travers les déclamations. des premiers qu’ils consultent et au milieu de griefs plus ou moins chimériques, que le mal n’est que trop réel. Ils trouvent à la tête des agitateurs un certain Mitrovich, espèce d’O’Connell au petit pied, remuant, bruyant, qui se faisait l’organe volontaire de toutes les lamentations. Le peuple l’admirait comme un géant. En somme, c’était un homme à vendre, dont Lewis se flatte d’avoir raison avec 200 livres par an. Malheureusement il reconnaît que, parmi les souffrances de la population, il en est dont la guérison n’est pas à la portée des commissaires ni même du gouvernement anglais. Il résume en deux lignes la situation. « Les maux les plus graves sont pour les classes supérieures, L’exclusion pratique des fonctions et la manière, brutale dont elles sont traitées par la société anglaise ; pour les classes inférieures, l’excès de population. » Aussi Malte lui rappelle ; tout d’abord l’Irlande : même pauvreté, même mépris irritant des Anglais à l’égard des indigènes, même antipathie de ceux-ci pour les Anglais ; même absence de ressources personnelles, et d’esprit d’initiative, suite de la politique adoptée par le gouvernement ou plutôt par les fonctionnaires anglais de L’île, qui consiste à tenir ces Maltais en tutelle, à décourager chez eux toute activité, à étouffer tout examen, à perpétuer l’ignorance et même à entraver le commerce comme étant un moyen d’indépendance incommode pour l’autorité ; Lewis ne craint pas de rapprocher le gouvernement anglais à Malte du gouvernement autrichien en Lombardie, sauf que le premier n’a pas, comme le second, essayé du moins quelque chose pour l’instruction populaire, et qu’au lieu d’appesantir par préférence, sa main sur les classes supérieures, il a étendu impartialement son oppression sur tout le monde. « Le gouvernement de fait pendant les dix ou douze dernières années était un secrétaire de sir Thomas