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réellement changé ? Il ne le croyait pas ; il se flattait d’obéir à des raisons purement politiques, il n’abjurait point ses principes absolus sur la prérogative de la vraie religion ; mais, lorsque le parlement acceptait chaque année tant de mesures favorables aux doctrines ariennes et sociniennes, pouvait-on réserver au catholicisme seul une exclusion que la justice et la décence même condamnaient ? Il changeait de conduite par fidélité à ses principes ; il le croyait du moins en 1847, lorsqu’il s’offrit pour représenter Oxford ; il sollicita cet honneur sans embarras, sans arrière-pensée, bien sûr de représenter dignement l’orthodoxie de l’ombrageuse université. Et en effet, dans la question des Juifs, tandis que M. Disraeli se prononçait pour leur admission dans le parlement, M. Gladstone la combattait à plusieurs reprises par des argumens que le plus pur torisme n’eût pas désavoués. « Je ne suis nullement d’avis, disait-il le 16 décembre 1848, que les différences de religion n’aient rien à faire avec l’accomplissement des devoirs politiques ; je ne crois pas que tous les hommes, quelle que soit leur foi religieuse, soient également qualifiés pour remplir ces devoirs, et je regarde la vérité de la croyance comme un des élémens de cette capacité. » Ce n’est pas tout : il se déclara dans les termes les plus énergiques contre la politique extérieure des whigs et de lord Palmerston. C’était en 1850, à propos de la fameuse affaire de don Pacifico ; il attaqua sans ménagement cette politique brouillonne et turbulente sous des apparences libérales, impertinente plutôt que fière, brava avec les faibles, ridicule quant aux prétextes, honteuse par ses procédés, et montra qu’elle ne faisait aucun honneur à l’Angleterre. Ainsi dans de graves questions intérieures comme dans celle des relations internationales les principes de la politique conservatrice trouvaient encore en lui un défenseur.

Autre chose est de lever l’ancre, autre chose de tendre les voiles. M. Gladstone dérivait lentement, à son insu, — s’efforçant peut-être de ne pas apercevoir le courant qui l’entraînait, — sans cesser de compter parmi les chefs de l’armée conservatrice. Le moment vint cependant où l’illusion ne fut plus permise ni pour lui ni pour personne. Deux circonstances décisives firent paraître dans tout leur jour et toute leur gravité les dissidences qui le séparaient de ses amis. Vers la fin de 1850, le peuple anglais ressentit un matin, en se réveillant, une de ces paniques auxquelles il est sujet, si étranges qu’on a peine à les croire sincères. Des bords de la Manche jusqu’à ceux du canal de Bristol, un cri retentit : l’étranger est chez nous, l’autorité de la reine est en péril ! Qu’était-il arrivé ? On venait d’apprendre que le pape avait érigé l’Angleterre et le pays de Galles en province ecclésiastique avec un métropolitain et douze suffragans. Aussitôt les journaux de sonner l’alarme, l’opinion de s’armer