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tude calme et simple de ces soldats portant sur leur visage bronzé la mâle résolution d’hommes qui sentent qu’ils vont remplir le plus grand de tous les devoirs, qui acceptent d’avance avec un tranquille héroïsme la mort obscure pour leur pays. Ce sentiment viril et résolu, on le voyait partout, chez le simple fantassin, chez nos officiers, et il se retrouve dans la proclamation par laquelle l’empereur a signalé son arrivée au camp. Dans cette armée, qui a la nation tout entière derrière elle, n’aurait-on pas pu faire une place à ce vieux soldat qui demandait à servir une dernière fois la France, au général Changarnier ? On n’a pas cru pouvoir lui accorder ce droit de combattre au premier rang qu’il sollicitait comme une faveur. Assurément nos jeunes généraux ne se seraient pas plaints de voir reparaître parmi eux ce vétéran de nos guerres d’Afrique, et c’eût été le signe le plus frappant de l’oubli de toutes les dissensions, de l’alliance de toutes les opinions devant l’ennemi. Quoi qu’il en soit, tout est prêt désormais, et le signal de la marche en avant est peut-être déjà donné. Moralement la France soutient encore une fois ce qu’elle a si souvent soutenu, le droit des indépendances, la sécurité de tous ; c’est la politique dont elle ne doit point dévier pour garder toute sa force devant l’Europe, et jamais cause plus juste n’aura été défendue par une plus admirable armée. Et quant à nous, qui ne sommes point dans les camps, il y a aussi un devoir, c’est de suivre les événemens pour les éclairer sans cesse, de rassembler nos efforts pour tenir tête à l’orage et de faire de l’intelligence française l’auxiliaire de notre armée. Il faut montrer à tous, aux amis et aux ennemis dispersés dans le monde, que, lorsque la France combat, elle ne cesse pas de penser, de poursuivre ces travaux de l’esprit qui font aussi sa noblesse et sa force.


CH. DE MAZADE.



REVUE MUSICALE.

L’Opéra-Comique semble enfin tenir un succès. L’Ombre est une pièce à quatre personnages, presque sans spectacle, mais qui, due à la collaboration des auteurs de Martha, tire surtout son intérêt d’une parfaite habileté de mise en œuvre. Il se peut que les élémens ne soient pas toujours neufs, que cela rappelle par momens le Déserteur, le Val d’Andorre, que telle situation vous fasse songer au Premier jour de bonheur, à la Petite Fadette, on n’en doit pas moins reconnaître un talent particulier dans la manière dont est conduite cette action ingénieuse et concentrée de parti-pris, sans que le tour de force s’y laisse sentir. Toujours est-il que le musicien ne saurait demander mieux ; tous les motifs dont peut aimer à s’inspirer un auteur d’opéras-comiques se trouvent là, et,