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l’établissement d’un prince prussien à Madrid valait bien cela. Soit par un faux calcul, soit par une infatuation étrange, elle a laissé échapper le fil des événemens, et à la dernière heure elle s’est vue emportée par la fatalité d’une situation qui tôt ou tard devait finir par une catastrophe. Ce qui est certain, c’est que la France, quant à elle, n’a fait que se défendre et relever un défi.

Si la Prusse, enivrée par sa fortune, entraînée par l’orgueil de ses forces, voulait la guerre, soit ; elle était libre de nouer des complots mystérieux contre notre sécurité et de chercher à envelopper l’Espagne dans ses combinaisons. Si elle voulait la paix, elle fermait à coup sûr les yeux sur le plus grand de tous les dangers, elle n’a pas vu que c’était une offensante témérité de jeter un défi de plus dans une situation qui par elle-même est une provocation permanente. C’est là en effet la vérité des choses. Par lui-même sans doute, l’incident Hohenzollern n’eût été rien, ou tout au moins il eût passé bien vite à travers un peu de poussière et un peu de bruit. C’est la situation tout entière de la Prusse qui depuis quatre ans est une provocation contre la France, c’est le sentiment de ce péril intime et irritant que la candidature du prince de Hohenzollern a ravivé instantanément, et ici encore à qui la faute ? Qui a fait ces conditions violentes où deux peuples vivant côte à côte sont réduits à se dire qu’ils vont s’exterminer un jour ou l’autre ? Qui a poussé les rapports des deux pays à cette extrémité ? Demandez la vraie cause à Berlin. Dieu est témoin que depuis quelques années la politique française n’a montré ni animosité tracassière ni jalousie vulgaire à l’égard de la Prusse. Si Sadowa, dont on parle si souvent, a pu avoir lieu, le gouvernement français y est bien peut-être malheureusement pour quelque chose, et il n’est pas non plus étranger aux préliminaires de Nikolsbourg, bientôt suivis de la victorieuse paix de Prague. Depuis quatre ans, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour vivre en bonne amitié avec la grandeur nouvelle et même avec les ambitions de la Prusse. Nous avons employé notre diplomatie à promulguer dans des circulaires la théorie des grandes agglomérations. Nous avons publié des cartes de géographie pour démontrer que la guerre de 1866 n’avait eu d’autre résultat que d’accroître la sécurité de nos frontières en soufflant sur la vieille confédération germanique, et en emportant ce qui restait des traités de 1815. Comment la Prusse a-t-elle répondu à cette bonne volonté qui a eu parfois à s’imposer quelque violence ? C’est l’histoire d’hier et de ces quatre années. La Prusse n’a songé qu’à une chose, à dominer par les annexions, par les assimilations impitoyables, en imprimant le sceau prussien sur tout ce qu’elle a pu atteindre ; elle s’est agrandie elle-même par la conquête, — rien de plus. Une dernière garantie avait été laissée au malheureux Danemark, qui devait rentrer en possession d’un lambeau de territoire ; lorsque les députés de Slesvig se sont présentés au parlement de la confédération du nord pour revendi-