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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet 1870.

C’en est donc fait, le grand, le fatal et inexorable conflit a éclaté. La France et la Prusse ne sont plus que deux armées lancées dans un duel sanglant. Entre la première parole qui a révélé à l’improviste qu’un dangereux incident venait de naître et le dernier mot déchaînant la tempête, il n’y a pas eu plus d’intervalle qu’entre l’éclair et le coup de tonnerre. Tout dans cette étrange affaire a été conduit ou a marché au pas de charge à travers les passions subitement enflammées de deux peuples, au milieu d’une Europe attentive, émue et impuissante. Jamais peut-être depuis la révolution et l’empire on n’a vu un choc plus formidable s’engager avec cette foudroyante rapidité. La guerre d’Orient, en 1854, traînait presque toute une année de négociations en négociations avant qu’on en vînt aux mains. La guerre d’Italie était déjà, si l’on veut, dans un mot prononcé le 1er janvier 1859 ; mais elle avait à passer par bien des phases diplomatiques, elle n’était déclarée qu’à la fin d’avril, et ce n’est qu’aux premiers jours de juin que se livrait la première grande bataille. Dans la guerre de 1866 elle-même, dans cette guerre la plus brusque de toutes, quoique la mieux préparée par ceux qui devaient en profiter, Berlin et Vienne passaient des mois à échanger des dépêches, à s’armer, à combiner des alliances, et ce n’est que dans la seconde moitié de juin que la campagne s’ouvrait par la marche des armées prussiennes sur la Bohême. Cette fois on n’a plus compté par mois ou même par jours, c’était une question d’heures. De minute en minute, la situation se déplaçait en s’aggravant, les médiations essayées le matin étaient emportées le soir, et on avait eu à peine le temps de croire à une affaire sérieuse que déjà on était en campagne. Récapitulons sommairement les faits caractéristiques de cette situation.

Aux premiers jours de juillet, l’Europe est encore dans une tranquillité complète. De quelque côté qu’on regarde, on ne voit rien, on ne soupçonne rien qui puisse pour cette année troubler la paix du continent. En France même, la sérénité va jusqu’à l’optimisme, il n’y a aucune inquiétude, et la meilleure preuve de cette confiance, c’est la di-