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pâturages ; aussi mangent-ils peu de viande. Le poisson, les légumes, la pâtisserie, des volailles en petite quantité et généralement chétives, composent le menu du dîner des riches. La boisson est fournie par le sol qui produit l’arbre à thé. Le plus humble habitant du Céleste-Empire prend le thé plusieurs fois par jour, dans sa maison, sur le chemin, dans la me, où il s’arrête fréquemment pour savourer l’infusion sans sucre que lui présentent toute bouillante des marchands ambulans. Habitué dès l’enfance à préférer les boissons chaudes, il n’a aucun goût pour le vin ni pour la bière, et ne fait aucune différence de l’un à l’autre.

L’Europe n’a donc rien à porter aux Chinois en fait de denrées alimentaires, à l’exception de quelques conserves, d’échantillons de vins, qui figurent parfois sur la table des mandarins plutôt comme objets de luxe que pour la satisfaction du goût. Les produits industriels avaient-ils plus de chance de trouver un marché lucratif en Chine ? Les Chinois sont généralement vêtus de soie ou de coton. Les Anglais n’avaient à leur vendre que des cotonnades moins solides que les tissus indigènes. Toutefois on porte aussi du drap dans la saison d’hiver, et l’empire n’en produit guère, puisqu’il n’élève pas de troupeaux. Il eût appartenu aux français de fournir les étoffes de laine aux habitans de la terre du milieu ; mais nous avons laissé les Russes accaparer, à leur profit cette branche du commerce. Quant aux étoffes de coton, les Anglais ont fini par en introduire une certaine quantité, qui s’accroît chaque jour. Les produits de la filature et du tissage chinois sont serrés, forts et économiques, la main-d’œuvre étant abondante et peu coûteuse ; mais ils pèchent par la teinture. Ils sont uniformément bleus on jaunes comme le nankin, tandis que l’impression sur étoffe donne aux cotonnades de Manchester une variété de couleurs qui séduit souvent les Chinois, et les entraîne à repousser les solides et chauds tissus du pays pour acheter les étoffes brillantes, mais légères, que les Anglais leur apportent. Ceux-ci ont ainsi créé pour leurs fabriques un marché où ils placent aujourd’hui pour plus de 100 millions de ces produits. Ce n’est pourtant qu’un élément secondaire du trafic de l’Angleterre dans ces contrées.

Il fut un temps, et ce temps n’est pas bien éloigné, où les Anglais, qui avaient créé le commerce d’exportation, composé du thé, de la soie et des soieries chinoises, ne savaient comment balancer les frais de ce commerce, évalué aujourd’hui à plus de 450 millions. Les Chinois ne consommaient aucune de nos marchandises, et cette somme considérable était soldée presque entièrement par l’Europe en numéraire. Les Anglais, comprenant la nécessité d’établir un meilleur équilibre commercial et n’ayant aucun produit uttile à échanger