Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/709

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avions si fâcheusement échoué en Crimée. C’est ainsi qu’il y a eu 6,450 médecins pour un effectif nominal de 800,000 hommes, qui, avons-nous dit, n’a pas dépassé en fait 600,000, et ces médecins disposaient largement et directement de tout ce qui était nécessaire au service ; il y avait en outre un millier de médecins liés pour trois mois par un contrat synallagmatique que le médecin ou l’état pouvait dénoncer un mois à l’avance. En Crimée, pour près de 300,000 hommes, nous n’avons eu que 450 médecins militaires. Avec une telle quantité de médecins munis d’aussi grands pouvoirs, le service des ambulances américaines devait avoir une grande puissance et une grande célérité, et celui des hôpitaux De pouvait manquer d’être très satisfaisant aussi. Un des faits les plus dignes d’attention, c’est qu’en France le médecin, pour se pourvoir des objets dont il a besoin, est sous la dépendance absolue du corps des intendans, tandis qu’en Amérique le corps médical statue et agit par sa seule autorité.

Du reste, l’usage qu’ont suivi à cet égard les Américains est celui de l’Angleterre, de la Belgique et d’autres pays. Il suffit de lire les dépêches des principales autorités médicales de l’armée française en Crimée, les publications de M. Chenu et de divers autres médecins militaires, les études de feu M. Baudens dans cette Revue[1], pour être porté à penser qu’il y a beaucoup à dire contre la subordination où sont placés les médecins dans l’armée française. Je me plais à croire que nos ministres de la guerre ont fait de cette question l’objet d’une étude approfondie, et que dans la guerre actuelle, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, la France recueillera les fruits de leurs investigations consciencieuses. Il n’est pas possible que nous supportions une fois de plus les sacrifices effrayans qui ont été en Crimée le fruit d’un système très probablement mauvais en lui-même et certainement mal exécuté.

Le logement et le campement se sont faits en Amérique dans les conditions les plus avantageuses. Pour le logement des troupes, qui étaient rendues sédentaires dans une pensée d’instruction, on avait des camps formés de baraques en planches dont M. Roussillon a donné la description minutieuse. « La moitié de chaque baraque est, dit-il, affectée à une compagnie ; chaque compagnie possède au rez-de-chaussée une cuisine spacieuse, un réfectoire, un cabinet à eau pour la toilette des hommes, un petit magasin, une chambre d’officiers, des chambres pour les sous-officiers. On entre au rez-de-chaussée par des porches ou perrons couverts, situés sur les deux pignons… Une grande chambre à coucher, pour toute la

  1. Voyez la Revue des 15 février, 1er avril et 1er juin 1857.