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suppose qu’il ne s’agirait de rien qui pût exercer une influence décisive ; mais ce n’en est pas moins un motif pour que nous soyons plus circonspects à l’avenir. Le ministre actuel de l’instruction publique, M. Mége, a, par une circulaire récente, exprimé dans un langage ferme et digne l’intention de retirer de cette impasse l’enseignement supérieur des sciences. Nous attendrons donc, non sans une impatience légitime.

Mais venons à ce qui regarde plus directement la guerre. Il y a un autre côté par lequel la science fait immédiatement sentir son action sur les institutions militaires, et donne le moyen de faire de grandes choses à la guerre en sacrifiant le moindre nombre d’hommes possible. Je veux parler de l’hygiène des armées, de l’organisation du service médical, spécialement pour les temps de guerre, des ambulances où l’on opère les blessés après les batailles, des infirmeries où l’on recueille provisoirement les soldats tombés malades dans les campemens, des hôpitaux situés à une assez grande distance, dans un lieu sûr où l’on ramasse malades et blessés. Une bonne armée, on le sait, est difficile à former. Elle exige une longue suite de labeurs, une instruction appropriée pour chaque corps, et pour chaque homme des exercices dans les casernes ou dans des camps retranchés. Elle réclame même la pratique effective de la guerre pour la majeure partie de ce que l’on nomme les cadres, et pour une fraction plus ou moins importante des soldats. Il lui faut de plus un matériel extraordinairement varié, embrassant tous les objets nécessaires aux divers modes de la vie militaire, rassemblés d’avance dans de vastes magasins, depuis les salles des arsenaux jusqu’à l’officine des hôpitaux. Indépendamment de cette connaissance du métier, de cette expérience acquise, de tous ces objets matériels, il lui faut l’esprit militaire, cette bonne opinion de soi, de son corps, de ses chefs, cette haute idée de la patrie qui élève le cœur de chacun sur le champ de bataille, et y devient un gage du triomphe.

Une armée disciplinée et aguerrie dans laquelle chacun connaisse et aime son métier, qui soit pourvue de tout ce qui répond à sa laborieuse destination, est un des plus remarquables produits que puisse susciter l’intelligence humaine. Elle est dans l’état actuel de la politique le boulevard de l’indépendance et de la dignité nationale, un légitime sujet d’orgueil, de confiance et de sécurité pour la nation et pour le gouvernement. La France, on n’en saurait douter et l’Europe ne l’ignore pas, possède aujourd’hui une armée qui répond aux données que nous venons d’esquisser ; mais cet admirable instrument de puissance, ce capital précieux et immense, car c’en est un dans toute l’acception du mot, cette vaste réunion où