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avait à couper et trancher des substances quelconques, sont des silex amincis ou pointus. A quelque temps de là, l’homme acquiert l’art de préparer les métaux, le bronze d’abord ; les armes comme les outils sont en bronze. Plus tard, on devient plus habile à réduire le minerai de fer ; armes et outils sont en fer. Au moyen âge, sous l’impulsion donnée par les savans les plus hardis du temps, les alchimistes, le moine anglais Roger Bacon découvre la poudre ; les mineurs s’en emparent pour creuser les entrailles de la terre, la guerre en fait son profit au moyen du canon et de l’arquebuse.

Depuis le rétablissement de la paix générale en 1815, le matériel des armées, de même que celui de l’industrie, a éprouvé de grands changemens. Pendant une première période, le progrès a été bien plus lent pour les instrumens de la guerre que pour ceux de l’industrie. On était prodigieusement las de la guerre, on en avait profondément ressenti les maux chez tous les peuples, et pendant plusieurs années les esprits inventifs s’en détournèrent comme d’un objet néfaste. Pourtant, sous la restauration, la France améliora beaucoup l’artillerie de terre. On la rendit plus mobile, et par là on la mit à même de multiplier et d’agrandir ses services. Le mérite en revient principalement au général, depuis maréchal Valée ; mais la forme des canons resta la même, ils continuèrent d’être à âme lisse. Il y a eu, pour le tir du canon, des expériences importantes dues au général Piobert. On fit aussi subir à l’équipement du soldat quelques modifications heureuses, et ensuite on eut le fusil à percussion ou à capsule au lieu du fusil à pierre de silex.

Vers le même temps avaient commencé pour l’artillerie de mer des essais qui montrèrent le perfectionnement que cette artillerie, toujours distincte de l’autre, pouvait recevoir, le système de construction des navires de guerre restant le même, c’est-à-dire ces navires restant en bois. L’idée-mère du système était d’avoir dès projectiles creux faisant explosion au lieu de boulets pleins. Cette voie nouvelle fut indiquée peu après les événemens de 1815, et les essais furent habilement poursuivis jusqu’à la mise en pratique par un officier fort distingué, le colonel, plus tard lieutenant-général Paixhans.

Mais c’est surtout depuis douze ou treize ans que la science a porté ses efforts avec intensité et persévérance sur le matériel militaire, et qu’elle y a déterminé une révolution par deux innovations extraordinaires, aujourd’hui adoptées universellement, le canon rayé et le vaisseau cuirassé.

De ces deux inventions, la première n’a pas peu contribué à la défaite de l’Autriche dans la guerre d’Italie en 1859. Cette puissance infortunée, si digne d’estime par sa constance et sa bravoure, devait