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rapport du comte Gédéon Raday, nommé en 1868 « commissaire royal extraordinaire, » sur les bandes de brigands, publié récemment par la Presse de Vienne, n’est que trop conforme à ces appréciations. Le comte a, pendant ss mission, fait emprisonner 435 criminels, coupables de 554 crimes, dont 234 emportant la peine capitale. Quoique depuis le commencement du siècle les classes supérieures aient acquis des notions plus justes sur la légalité, ces notions pénètrent d’autant plus difficilement dans les masses que la plupart du temps la nature du pays, ne permet pas, comme dans les contrées occidentales, de diviser le sol par des haies, des murs ou des bornes. Dans l’immense puszta, comme dans la « terre des herbes, » où errent les hordes mongoles, le respect de la propriété, qui assure le progrès de la race aryenne, est bien plus faible que ne pourrait le croire un Occidental. « Je vais prendre des veaux gras et les vendre à bons deniers comptans, — c’est ainsi que le hussard se procure de l’argent. » La steppe est la terre classique du communisme, et cette vieille erreur y est tellement accréditée, que l’on peut voir un jour renaître dans l’Europe orientale l’antique lutte asiatique de l’idée aryenne et de l’idée touranienne. Le csikós ne porte pas si loin ses regards dans l’avenir. Il a vraiment bien d’autres affaires : la danse le dimanche à la csárda, le reste de la semaine les occupations de sa rude existence ! La poésie populaire présente la vie du csikós sous un jour idéal en l’entretenant de son animal favori ; elle ne lui parle pas moins volontiers du vin destiné à « étancher la soif du jeune brave, » mais qui malheureusement a des résultats beaucoup moins utiles. Avec leurs qualités et leurs défauts, les csikós sont d’admirables recrues pour la cavalerie margyare ; même quand ils servent comme irréguliers, ainsi que dans la dernière insurrection, ces cavaliers, aussi rapides que le vent, harassent l’ennemi sans jamais se fatiguer eux-mêmes.


III

Sans avoir l’étendue des steppes, les bois sont cependant fort castes en Hongrie. On trouve des forêts entières de châtaigniers dans l’ouest et de premiers dans le midi. Les fruits des bois comme les fruits, des vergers doivent être regardés comme une nourriture savoureuse, car un chant les met sur la même ligne que les beautés du pays : « Maintenant j’aspire après la blonde, — comme après les grains du raisin, — mais, plutôt après la brune — qu’après la pomme couleur de vin. » Les prunes servent à fabriquer diverses espèces de liqueurs spiritueuses. Dans, les forêts de chênes, les kanász (porchers), engraissent une quantité de cochons. Nous ne sommes point ici sous le beau, ciel de la Grèce, ni au temps de ces