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« Bientôt je pars pour Fejérvár (Albe-Royale). — Là se trouvant des soldats, et moi j’entre dans leurs rangs, — Svelte hussard je deviendrai, ô Rose, — et alors je n’aurai plus souci de toi ! » Chez le Hongrois comme chez le pallicare, cette hauteur n’exclut nullement la rase. Sur la célèbre plaine de Rakós, théâtre des vieilles diètes nationales, ou à la foire de Pesth, le fier csikós devient au besoin le plus habile des maquignons. Il sait, surtout lorsqu’il s’agit de se de faire d’un cheval volé, changer totalement la couleur de la robe de l’animal.

On voit qu’aux autres défauts des gens de guerre le csibós unit un dédain excessif pour la propriété. Plus d’un s’est sans doute exposé à quelques contre-temps, comme cet amoureux qui voudrait voir sa belle, mais dont te cheval est « prisonnier » du juge à cause d’un goût imprudent pour les « pâturages étrangers. » Un autre est trop porté à « mettre la main sur une jument » et à prendre la route du marché, où il dérobera un poulain, leste « comme le grain de sable sur les ailes du vent » (Petöfi), en criant philosophiquement au propriétaire qu’il « lui reste bien encore assez de chevaux. » Le même sentiment a inspiré ce chant : « Hôtesse, apporte ici du vin, — je t’en reste débiteur. — J’irai à Csátra, — là je volerai des chevaux, — je les conduirai à Gyöngyös, — je les vendrai, — et, si Dieu me laisse revenir heureusement, — je te paierai le vin. » Un csihós qui a volé un cheval à la foire de Debreczin, et qui se hâte de courir chez Rose pour mettre son butin à l’abri, se compare lui-même, non pas au lis des champs, — qui pourrait être regardé comme le symbole de la candeur aussi bien que celui de l’insouciance, — mais à l’oiseau, qui ne sème ni ne fauche, et qui pourtant jouit joyeusement de la liberté de ses mouvemens. — Quoiqu’il ne soit pas plus laborieux que l’habitant des airs, comme lui, il vit sans souci. L’expression sans souci ne veut nullement dire sans péril, car un « pauvre garçon » qui a cherché un refuge chez sa « petite colombe » est brusquement secoué dans le lit avant le jour, et on lui met les fers devant la maison du juge, tandis que la fille assiste en pleurant à ce spectacle, qui lui déchire le cœur. Un autre szegèny legény, à la veille de mourir, maudit l’heure où il a volé le premier cheval et commencé contre la loi la lutte qui devait le mener à la potence. En général, ce mépris pour les droits du propriétaire, mépris trop commun en Orient, a de profondes racines chez les descendans des nomades finno-mongols, Un écrivain français, auteur d’un roman dans lequel figurent les Magyars, le comte de La Tour, dit que le temps, n’est pas fort éloigné en Hongrie où les faibles devaient renoncer à prendre possession d’hall héritage. Un romancier anglais a insisté bien plus fortement sur le peu d’empire exercé par la loi chez les Magyars. Le