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nom chrétien de Nicolas qu’on a fini par lui donner, Toldi remonte vraisemblablement à l’époque païenne. Ce mythe représente l’idée que les nomades se faisaient d’une vie humaine accomplie, la force Ajax urne à l’adresse d’Ulysse.

Au temps des Jagellons, ces songes brillans étaient, hélas ! bien évanouis. Si l’on avait conservé la poésie satirique de l’époque de la décadence, on pourrait mieux en apprécier les causes. Toutefois le Chant de la punition de maître François Apáti nous fait comprendre le triomphe de l’islam sur le catholicisme. Il se plaint vivement dans ce chant de quarante strophes, publié par Nicolas Révai en 1787, de la frivolité et du sensualisme égoïste du clergé, ainsi que de la tiédeur des nobles dans la guerre contre les Turcs. La nation, n’ayant plus la vieille énergie personnifiée par Toldi, dut se jeter dans les bras des Allemands, et confier son sort à la maison de Habsbourg, rempart du monde chrétien contre l’invasion ottomane, et qui lui avait déjà donné plusieurs souverains (Albert, Elisabeth, Ladislas V).

Si déjà les historiens magyars ont le droit de reprocher à la dynastie française d’avoir travaillé à imposer à leur pays un système de centralisation politique et religieuse plus conforme aux tendances latines qu’à celles des nations orientales, s’ils accusent Hunyad et Matthias d’avoir eux-mêmes trop cédé aux instincts intolérans du monde latin, leurs plaintes deviennent bien autrement sévères quand il s’agit du gouvernement de la maison de Habsbourg. Lorsque la Hongrie eut été forcée par ses désastres de se jeter dans les bras de cette puissante famille, elle dut commencer contre de permanentes tentatives de germanisation et de centralisation la lutte acharnée qui a duré jusqu’à nos jours avec quelques trêves, comme sous le règne de l’habile Marie II (Marie-Thérèse), et qui a donné tant d’éclat aux noms des Botskai, des Bethlen, des Tókoli, des Rákóczi. Dans cette lutter elle fut soutenue par l’esprit de la réforme, détestée de la maison d’Autriche, par les Bourbons, redoutables ennemis de cette maison, et plus d’une fois par la Turquie elle-même, que les protestans à l’exemple de Luther, semblaient craindre moins que l’absolutisme fanatique et centralisateur du catholicisme espagnol. La poésie populaire, qui dès le principe avait avec tant de peine accepté un culte étranger, recommença volontiers son ancienne guerre contre l’empire et contre l’église, également hostiles aux libertés séculaires du pays. La réformation, qui consacrait le principe oriental de l’autonomie religieuse des nations, devait aux yeux des patriotes la « religion magyare » par excellence. La haine qui poussait contre l’empire Leel et ses fougueux compagnons, haine dont la légende nous a conservé la rude expression, semble renaître d’ans toute sa vigueur, et le Magyar, disciple de Calvin et