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finances de 1853 à 1864, et je me suis étonné d’y trouver tant d’intérêt. C’est qu’ils n’ont pas seulement une valeur historique ; ils roulent en grande partie sur des questions qui touchent aux principes mêmes de l’impôt ou plutôt aux principes de toute société, tels, par exemple, que la question si grave et tant débattue jusqu’à présent de la taxe des revenus. L’income-tax, établi en 1842 pour une période de dix années, qui venait d’expirer, pouvait-il être aboli d’un seul coup ? Était-il possible de renoncer d’un jour à l’autre à un impôt qui comptait pour plus d’un dixième dans le revenu public ? Telle est la question que M. Gladstone rencontrait en 1853. Le ministre anglais se déclare à la fois l’admirateur de l’income-tax et son adversaire : il serait même difficile de dire lequel de ses sentimens l’emporte en lui. Et certes on comprend sans peine l’espèce d’enthousiasme auquel il s’abandonne en décrivant les effets de ce formidable instrument d’action. L’histoire d’Angleterre dépose par d’éclatans témoignages en faveur de sa puissance. C’est l’income-tax qui a permis à l’Angleterre de soutenir la lutte contre Napoléon Ier ; mais il y a plus, on ne peut douter qu’une application plus prompte et plus large de l’income-tax ne lui eût épargné ou du moins n’eût allégé dans une proportion considérable le fardeau de la dette que cette lutte a imposée à la nation. Qu’on divise en effet la durée de la guerre en trois périodes, la première de 1793 à 1799, pendant laquelle l’income-tax n’existe pas ; la seconde de 1799 à 1802, pendant laquelle l’income-tax, à peine établi, ne fonctionne pas encore avec toute sa fécondité ; la troisième enfin de 1802 à 1815, pendant laquelle il agit dans la plénitude de sa puissance : que trouve-t-on ? Les chiffres ont ici une éloquence irrésistible, ils montrent qu’entre la première période et la dernière la dépense annuelle augmente d’à peu près de moitié, tandis que le déficit diminue des neuf dixièmes. Après avoir contribué si puissamment au triomphe de l’Angleterre, à la délivrance de l’Europe, à l’anéantissement de la plus lourde tyrannie qui ait jamais existé, l’income-tax, rétabli vingt-sept ans plus tard, a rendu des services d’un autre ordre et non moins efficaces. On conçoit qu’en résumant cette étonnante histoire M. Gladstone pût dire : « Sir Robert Peel en 1842 a éveillé de son sommeil ce géant qui nous avait autrefois servi dans la guerre, il l’a évoqué au secours de nos travaux industrieux dans la paix, et si le premier income-tax a produit des résultats mémorables, je puis dire qu’avec bien moins de dépense en argent et sans ces funèbres accompagnemens de trouble et de sang répandu le second en a produit d’également admirables ; il a été l’instrument au moyen duquel vous avez commencé et vous achèverez, j’espère, avant longtemps la réforme de votre système commercial et financier. Et je ne crains pas d’affirmer qu’en réformant ainsi vos