Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/540

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui desservent tous les hôpitaux de Paris, sauf la Maternité, le Midi et les Cliniques, où, pour des causes qu’il est facile de comprendre, elles sont remplacées par des surveillantes relevant directement de l’administration. Six communautés se sont réparti nos maisons hospitalières : les Augustines veillent sur l’Hôtel-Dieu, la Charité, Saint-Louis et Lariboisière ; les sœurs de Sainte-Marthe, un ordre janséniste d’une extrême mansuétude, occupent Saint-Antoine, la Pitié et Beaujon ; les filles de Saint-Vincent-de-Paule ont Necker et Sainte-Eugénie ; les religieuses de la Compassion, qui dans ce cas sont bien nommées, ont pris Lourcine ; les sœurs de Sainte-Marie sont à Cochin, et les dames de Saint-Thomas-de-Villeneuve aux Enfans-Malades. Elles se distribuent dans les hôpitaux proprement dits de Paris, selon l’importance de chacun d’eux, en un personnel de 259 femmes, qui forment, avec l’assistance publique et le corps médical, un ensemble très précieux, très imposant, où la charité, la science et la religion se donnent la main. Elles ont la haute direction pour la discipline des salles, et il est bien rare qu’elles ne soient pas très respectées par les malades. Cependant à Lourcine leur patience et leur pudeur sont parfois mises à de rudes épreuves.

Les religieuses ne suffiraient pas à donner aux malades les soins qu’ils réclament. Aussi l’assistance entretient-elle dans les hôpitaux des hommes et des femmes à gages, qu’on appelle serviteurs de seconde classe, et qui sont, à proprement parler, des infirmiers et des infirmières. Les premiers sont au nombre de 491, et les secondes au nombre de 499. C’est là le côté défectueux de l’institution, et les chefs des services administratifs ou scientifiques sont unanimes à reconnaître que, sauf exceptions connues, ce personnel est déplorable. Recruté dans la mauvaise classe de la population, parmi les ouvriers congédiés, les domestiques renvoyés, il ne donne aucune aide gratuite aux malades, qui sont forcés d’avoir toujours l’argent à la main pour attendrir des cœurs où la vénalité tient plus de place que la compassion. On doit reconnaître que, pour avoir toutes les qualités nécessaires à un bon infirmier, il faudrait être un ange, et que peu d’hommes seraient capables de remplir cette très pénible fonction. Un infirmier a pour le moins 10 lits à surveiller, et les soins qu’il est appelé à rendre sont les plus répugnans. Comment les paie-t-on ? Ils ont en dehors du logement, de la nourriture et du costume, un gage qui varie entre 15 et 21 fr.[1]. Il est bien difficile pour ce prix de trouver des phénix ; mais c’est le malade qui paie, et il n’est pas rare qu’un infirmier se fasse 40 et

  1. En moyenne, un infirmier coûte par mois à l’administration 79 fr. 59 cent., et une infirmière 66 fr. 58 cent.