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images étaient un scandale pour les puritains de la réforme. On n’a point tenu compte de leurs observations, et l’on a laissé les religieuses hospitalières se livrer aux innocentes distractions où elles se complaisent. Non-seulement les salles sont nettoyées et frottées tous les jours, non-seulement les objets de literie sont changés toutes les fois que cela est nécessaire ; mais deux fois par an tous les matelas sont enlevés, envoyés au magasin central, où ils sont dépecés, passés à l’étuve et cardés à nouveau. De temps en temps, surtout lorsqu’une maladie épidémique s’est développée, on purifie les salles, absolument comme on désinfecte un navire qui a eu la peste à bord. On procède avec cette méthode méticuleuse qui fait sourire beaucoup d’esprits forts, mais dont nos diverses administrations se sont toujours bien trouvées. A l’aide de vapeurs nitreuses, de l’hyperchlorate de soude, du permanganate de potasse, on détruit rapidement tous les germes morbides qui peuvent s’être accumulés dans une salle ; puis, après quelques jours d’aération complète, on la remet aux ouvriers, qui rabotent le plafond, brûlent et détachent les peintures, enlèvent l’enduit des murailles et le mastic des vitres. Enfin tout est refait à neuf, et l’on met à la disposition des malades un emplacement aussi sain que s’il n’avait jamais été visité par la maladie, ce qui n’empêche pas les hôpitaux d’avoir, spécialement dans les services d’accouchement, des salles dites d’alternance, qu’on vide, qu’on laisse reposer pendant quelque temps, afin d’éviter autant que possible les chances de contagion.

Autrefois, pour ventiler les salles, on se contentait, en ouvrant la porte et la fenêtre, de mettre les malades dans un courant d’air ; mais, comme ceux qui sont dans un milieu infect n’en peuvent que bien rarement reconnaître la fétidité par eux-mêmes, les malades regimbaient, criaient qu’ils avaient froid, et mettaient la tête sous la couverture pour éviter l’oxygène qui leur arrivait d’une façon trop aiguë. Actuellement, et avec raison, on donne à la ventilation une importance extrême. C’est du reste une science relativement nouvelle. Le premier essai sérieux fut fait à Londres en 1715 dans la salle du parement par le docteur Desaguliers, qui appliqua en partie les idées émises par le cardinal de Polignac en 1712, dans son livre de la Mécanique du feu. En France, on ne s’en est vraiment occupé avec succès que dans ce siècle-ci, et, grâce aux travaux de MM. Darcet, Chevreul, Dumas, Boussingault, Gavarret, on est arrivé à ces applications pratiques qui semblent ne laisser rien à désirer. Tous nos hôpitaux sont pourvus d’une machine à vapeur qui chasse dans les salles de l’air froid ou de l’air attiédi, selon la saison, pendant que de hautes cheminées d’appel, douées d’un tirage considérable, enlèvent l’air vicié et le repoussent vers le ciel.