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IMPRESSIONS DE VOYAGE
ET D’ART

SOUVENIRS DE ROME.

V.
LES FRUITS TARDIFS DE L'ITALIE[1]


I. — SAINTE-MARIE-DES-ANGES. — LE DOMINIQUIN.

De toutes les églises de Rome, Sainte-Marie-des-Anges est à mon sens la plus grandiose, la plus austère, la plus solennellement religieuse. L’origine en est pourtant profane, puisqu’elle n’est autre chose qu’une vaste salle des thermes de Dioclétien consacrée au culte par le pape Pie IV ; mais je ne puis apercevoir rien de païen dans son caractère actuel. Le génie de Michel-Ange a passé par là, et a posé sur ce magnifique débris son cachet sévère, biblique, quelque peu puritain. Une majesté froide, telle est l’originalité de Sainte-Marie-des-Anges, et cet aspect est augmenté encore par l’exceptionnelle nudité de ce temple sublime. Il ne faut point y chercher le fouillis de richesses des autres églises de Rome ; on n’a point essayé de l’embellir de tableaux et de statues, soit que les artistes aient été découragés et rebutés par cette architecture de physionomie si grave, soit que les pontifes aient respecté instinctivement cette imposante nudité, plus éloquente que ne pourrait l’être tout un monde d’images. A l’entrée, deux tombeaux, ceux des peintres Maratta et Salvator Rosa, qui, ce nous semble, dormiraient mieux couchés ailleurs que

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1870.