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la vie et de la pensée italiennes. La grande affaire des Français au siècle dernier, compromise et perdue par leur imbécillité, n’aurait pas même été commencée sans les réformes en Toscane ; 1848 fut l’écho de nos sociétés. La Seine ne sera jamais troublée tant que le Tibre roulera des flots paisibles. Qu’il consente à la liberté de Rome, et la Madre Natura le garantit contre les barricades parisiennes.

— Les républicains garantir les dynasties ! dit Colonna en secouant la tête.

— C’est le point décisif. Il peut se fier à nous. Empereurs et rois rompent tous les traités sans remords ; mais il sait que ce qui est une fois enregistré par le pouvoir le plus ancien qu’il y ait au monde est sacré. »

Et là-dessus Teodora continue à dévoiler la politique de la Madre Natura. Elle finit par persuader à Colonna que tout dépend de Napoléon III, que c’est sur lui qu’il faut agir.

« Et si j’échoue ? dit enfin Colonna.

— Vous n’échouerez pas. Après tout, son intérêt plaide pour nous.

— Les influences sacerdotales sont bien fortes autour de lui. Son intérêt une fois reconnu, un mot, un regard, parfois un soupir, une larme, peuvent avoir un effet fatal.

— Tout dépend de lui, dit de nouveau Teodora. S’il disparaissait de la scène, toute intervention serait impossible.

— Mais il est en scène, et, selon toute apparence, il y restera.

— Une seule vie ne doit pas être un obstacle entre Rome et la liberté.

— Que voulez-vous dire ?

— Je veux dire que Romolo Colonna doit aller à Paris et affranchir son pays. »


M. Disraeli, en écrivant ces lignes, y a-t-il bien pensé ? Cette âme sans tache, cette héroïne pour laquelle il sollicite nos sympathies et laisse assez clairement deviner les siennes, cette vaillante Clorinde de l’idée pure, est-ce bien elle qui tient un pareil langage ? Lorsque nous l’entendons débiter cette politique de fantaisie et conclure par l’assassinat, nous ne reconnaissons plus cette femme d’une intelligence supérieure, d’un cœur inaccessible à tout ce qui n’est pas un sentiment généreux ; nous ne voyons plus en elle que le symbole des contradictions de l’esprit révolutionnaire.

Parmi les personnages intéressés à l’action, le cardinal Grandisson, monsignor Catesby, monsignor Berwick, dans lesquels est représenté sous ses divers aspects le génie de la diplomatie ecclésiastique, ont excité particulièrement la curiosité. Chacune de ces figures a la prétention d’être un portrait. Le peindre les a-t-il tracées d’une main assez impartiale ? Je n’ai pas à me prononcer sur ce