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le 6 juillet, tandis que M. Valckenaer tâchait de négocier en faveur de la reconnaissance du prince royal comme roi de Hollande, mais négociait en pure perte. Le même jour, l’empereur se faisait remettre un rapport, ordonné et rédigé auparavant, cela va sans dire, concluant à la réunion de la Hollande à la France. Cette coïncidence de dates, impartialement reconnue par M. Thiers, achève de confirmer tout ce que nous avons dit sur le machiavélisme dont Napoléon ne cessa de s’inspirer dans tous ses agissemens relatifs à la Hollande. Évidemment il n’attendait pour lancer le décret de réunion que la nouvelle de l’entrée des troupes à Amsterdam. Il ne faut donc pas dire, comme on l’a prétendu, souvent, que ce fut l’abdication de son frère qui le décidait à promulguer ce décret. Tout au plus eut-elle pour résultat de hâter cette promulgation de quelques jours et d’y faire effacer la clause d’après laquelle « sa majesté se disait résolue à rappeler auprès d’elle le prince auguste qu’elle avait pris dans sa famille pour le donner à la Hollande. » On peut voir par là que Louis avait quelque sujet de craindre que son frère ne le fît enlever. Le 9 juillet, les conditions de la réunion furent réglées, et la réunion elle-même décrétée. Amsterdam recevait pour fiche de consolation l’honneur d’être déclarée troisième ville de l’empire ; la Hollande devait avoir 6 membres au sénat, 25 au corps législatif et 2 à la cour de cassation. La garde royale serait adjointe à la garde impériale, et les régimens hollandais prendraient rang à la suite des régimens français. L’architrésorier Lebrun fut envoyé à Amsterdam avec quelques hommes spéciaux, tels que M. Daru pour les finances, M. d’Hauterive pour les archives, MM. de les Cases et de Ponthois pour la marine, enfin le général Lauriston, qui alla prendre le prince royal pour le ramener à Paris. Personne en Hollande n’avait cru sérieusement que l’empereur consentirait à reconnaître le roi mineur. En vain l’ex-roi protesta du fond de son exil contre une annexion « injuste et arbitraire aux yeux de Dieu et des hommes, » sa protestation se perdit dans le vide. Napoléon en était venu à ses fins, et s’étonnait lui-même du peu de résistance qu’il avait rencontré.


XIV

Nous avons peu de chose à dire sur les rapports ultérieurs de Louis Bonaparte avec son frère et ses anciens sujets. Lorsque parut le sénatus-consulte du 10 décembre 1810, qui constituait un apanage considérable pour lui, l’ex-reine et leurs enfans, il protesta encore énergiquement du fond de l’exil contre ce semblant de faveur, qui eût passé pour un dédommagement de tout ce qu’on lui avait fait