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XIXe siècle. Ajoutons que cette histoire n’est ni médiocrement glorieuse pour notre pays ni médiocrement rassurante pour l’avenir de la science. Elle nous révèle en France, depuis le commencement du siècle et dans tous les ordres de connaissances, une suite de travaux qui se font remarquer par leur continuité, par leur solidité et au premier chef par leur lucidité. Le grand caractère de nos découvertes, c’est d’être claires autant que sûres et de s’imposer immédiatement à ce double titre. Maigre l’exiguïté de nos laboratoires, la pénurie de nos ressources, l’incertitude des perspectives offertes aux ouvriers de l’intelligence et l’indifférence d’une notable partie du public qui ne s’intéresse guère aux vérités abstraites, nos physiciens, nos chimistes, nos biologistes, continuent avec persévérance leur œuvre d’investigation. Disons-le fièrement, car c’est la vérité, en dépit du luxe et de la multiplicité de leurs établissemens scientifiques, les Allemands et les Anglais ne font pas plus de besogne ni de meilleure besogne que nous.

Je sais bien que plusieurs personnes considérables se sont émues dans ces derniers temps de la situation pénible faite aux jeunes savans français et de la parcimonie de notre budget en ce qui concerne les sommes allouées aux écoles de science pure. Pour entraîner le gouvernement dans une voie plus favorable aux intérêts des études et de la gloire nationales, elles ont cru devoir citer l’exemple des autres pays où l’argent est prodigué aux chercheurs avec autant de bonne grâce que la faveur publique. Certes l’intention de ces personnes est louable, et le pouvoir aurait tort de rester sourd à de si justes réclamations. Il ne saurait être trop convaincu que le moment est venu, comme dit M. Coste, de former en dehors de l’enseignement un personnel d’investigateurs assez largement rétribués pour n’avoir pas à se préoccuper du lendemain et pouvoir entreprendre en sécurité des recherches de longue haleine. Ce serait une faute énorme de laisser inachevées les fondations dues à l’initiative ardente de M. Duruy. Il convient même de les étendre et de les consolider au plus vite, surtout en ce qui concerne les moyens par où le professeur peut former des élèves, car c’est là ce qui constitue la grande force des laboratoires étrangers et la faiblesse des nôtres. Encore une fois, il ne faut pas conclure de l’infériorité de nos établissemens scientifiques et de nos moyens matériels à l’infériorité de nos productions et de nos résultats. Notre science contemporaine reste au premier rang, car c’est en France que dans ce siècle-ci sont nées et se sont développées avec éclat la chimie générale, la physiologie générale et l’anatomie générale.


FERNAND PAPILLON.