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auteurs de cette théorie ont également méconnu, faute d’observer avec assez de soin et de continuité ce qui se passe lorsqu’on voit succéder à certains élémens anatomiques d’autres élémens d’espèce différente, à savoir la liquéfaction des premiers, puis la formation d’un blastème dans lequel naissent les seconds. C’est une véritable genèse par substitution, comme l’a nommée M. Robin, et non une émission directe, une prolifération, ainsi qu’on l’enseigne dans les écoles d’outre-Rhin. Il y a là plusieurs phases qui ont échappé à l’observation des médecins trop systématiques de Wurzbourg et de Berlin, mais que les savans français ont établies d’une façon irrévocable, n’étant point aveuglés comme les premiers par une idée préconçue. Ce que les mêmes Allemands ont appelé génération endogène, c’est-à-dire génération dans l’intérieur d’une cellule, est un mode également exceptionnel de la naissance des élémens anatomiques, mais en aucune façon contradictoire avec ceux que nous avons énumérés, et nullement suffisant à étayer la doctrine de Schwann. La théorie cellulaire est une doctrine aussi trompeuse que commode et séduisante. C’est une des erreurs nombreuses qu’a introduites dans la science allemande cette philosophie de la nature si fort goûtée des contemporains de Schelling et d’Oken, et dont on trouve encore aujourd’hui des traces dans les ouvrages de plusieurs savans distingués d’Allemagne. Favorable au penchant métaphysique qui nous porte à vouloir confondre les choses les plus disparates dans une chimérique unité, il n’est pas étonnant qu’elle ait fait si longtemps illusion à des esprits pour qui tout était réel, excepté la réalité elle-même.

Certains biologistes de la même école ont été conduits par une méprise analogue à imaginer une prétendue propriété inhérente aux tissus vivans et consistant dans le pouvoir qu’ils ont d’entrer en activité sous les influences les plus diverses. Ils ont donné le nom d’irritabilité à cette propriété, la même que Broussais considérait jadis comme spécifique et dont il avait fait le principal étai de sa doctrine. Cette irritabilité, ni autonome, ni spécifique, n’est autre chose que la manifestation de l’une des cinq propriétés fondamentales de la substance organisée. Du moins elle s’y ramène toujours, ainsi que l’a montré M. Robin, et ne saurait à aucun point de vue être envisagée comme une propriété nouvelle. C’est parce que les élémens anatomiques sont dans un état de métamorphose permanente qu’un rien peut en troubler l’équilibre et déterminer ce qu’on appelle l’irritation. Qu’un seul atome de leur masse vienne à éprouver un dérangement quelconque, le reste en subit le contre-coup, et toutes les propriétés de l’élément sont sollicitées diversement. La chaleur, le froid, l’électricité, les substances chimiques, en un