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animaux, plusieurs forces diverses ont pour emploi, à travers mille enchevêtremens et complications, d’assurer la perpétuité de l’espèce par le fonctionnement de l’individu.

Nous sommes ainsi amenés à parler de la génération des élémens anatomiques. Ce problème est doublement grave. D’abord il abonde en difficultés de toute sorte, tant ici les observations sont minutieuses, les sens enclins à s’abuser, les esprits prompts à s’égarer. Ensuite il touche aux plus redoutables questions non-seulement de l’anatomie générale, mais encore de la philosophie naturelle, puisqu’il se confond avec l’étude de la génération des êtres organisés en général. Les recherches de M. Robin ont contribué dans une large mesure aux progrès de la connaissance de ces obscurs phénomènes.

Toute substance organisée qui se nourrit et se développe détermine dans son voisinage l’apparition de nouveaux élémens anatomiques. Elle tend à créer autour d’elle de nouvelles formes et une nouvelle activité. Un élément peut en engendrer d’autres en se segmentant, c’est-à-dire en se fractionnant en deux ou plusieurs parties. Dans les cellules à noyaux, on observe d’abord le fractionnement du noyau, puis ensuite l’individualisation du contenu de la cellule autour des petits noyaux secondaires ainsi formés. Une cellule est ainsi l’origine de trois ou quatre cellules nouvelles qui deviennent chacune le siège d’un phénomène identique. Il y a là comme un cloisonnement opéré dans le contenu de la cellule en train de grandir. La gemmation est un second mode de production des élémens anatomiques. Dans ce cas, il se forme en un des points de l’élément-mère une saillie ou hernie d’où résulte un autre élément distinct du premier. Et ce fait, comme celui de la segmentation, est bien plutôt une reproduction qu’une naissance.

Arrivons au troisième mode. Ici les élémens anatomiques naissent de toutes pièces au sein et aux dépens d’un liquide vivant émané d’élémens anatomiques déjà existans. Ce liquide, appelé blastème, est formé de principes immédiats provenant d’une transsudation de la substance organisée dans les interstices de laquelle il s’écoule. Le blastème est le liquide fécond par excellence, le lieu dissimulé où sont condensées les forces créatrices de la vie, se manifestant par une élaboration continuelle de cellules, de fibres et de tubes qui sont le rudiment des tissus et des organes. On y voit d’abord apparaître un noyau très petit qui s’entoure peu à peu de matière solidifiée, laquelle finit par acquérir une figure déterminée et une structure propre. Les élémens du tissu des plantes se forment de même au sein d’un liquide mucilagineux appelé cambium, et dans lequel les instrumens les plus perfectionnés ne décèlent que