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ainsi que dans l’ordre physique la lumière communique aux corps qu’elle a frappés pendant un instant une véritable activité et les rend phosphorescens plus ou moins longtemps. Cette aptitude à conserver en dépôt les impressions extérieures, qui est l’apanage presque exclusif des cellules nerveuses, peut persister pendant un temps indéfini à l’état latent, se perdre à la longue et ne se révéler derechef que sous l’influence évocatrice de la première impression, ou bien sous celle des cellules ambiantes, qui sont en quelque sorte de nouveaux foyers d’incitations secondaires. De même que l’on voit des corps, devenus phosphorescens sous l’influence de l’insolation, perdre insensiblement cette propriété et la récupérer à l’aide d’une autre source de phosphorescence, la chaleur par exemple, de même la réceptivité des cellules peut être rétablie soit sous l’influence de la cause première, soit sous l’influence d’une autre source d’incitation. Remarquons enfin, et c’est ici le point le plus important de l’innervation cérébrale, que les cellules une fois ébranlées par l’arrivée des impressions extérieures n’en restent pas là. Cet état dans lequel elles se trouvent après leur imprégnation par l’impression extérieure, et que M. Luys assimile à la phosphorescence, se communique de proche en proche, et va, par une série d’ébranlemens intermédiaires, susciter la mise en activité de nouveaux groupes de cellules situés à d’autres pôles, et qui se mettent à l’unisson des premiers en provoquant à leur tour de nouvelles incitations. Tels sont les traits principaux sous lesquels apparaît et fonctionne l’innervation, cette propriété qui, rudimentaire et presque imperceptible chez les animaux inférieurs, s’élève chez les animaux supérieurs et les élève eux-mêmes à un si haut degré de perfection. Quelle que soit du reste la cause première des actes les plus éminens de notre vie affective et intellectuelle, nous ne sentons, voulons, imaginons et comprenons que par le moyen de ces corpuscules nerveux répartis dans notre économie et doués de cette faculté, sans analogue ailleurs, de recevoir, de conduire, de percevoir, d’emmagasiner, de modifier les impressions.

Voici donc un premier et fondamental enseignement fourni par l’étude des élémens anatomiques : le jeu des organismes animaux se ramène à quatre activités essentielles et simples, nutrition, évolution, contractilité et innervation. À la fois distinctes et solidaires, tantôt confusément emmêlées, tantôt visiblement séparées, consubstantielles avec les élémens anatomiques par où se manifeste leur existence, pouvant revêtir des apparences variées et multiples, ces propriétés sont les ressorts de toutes les mécaniques vivantes. Dans les machines qui émanent de l’industrie humaine, une seule force se transforme pour accomplir les effets les plus divers. Chez les