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étrangères ? autrement je romps les négociations, et j’agis comme en pays ennemi : » telle fut la sommation de l’empereur. Louis promit de le satisfaire sur ce point : l’ordre fut transmis à Amsterdam de discontinuer les préparatifs ; on devait recevoir les troupes françaises, partout où elles se présenteraient, comme alliées et amies, et un homme de confiance du roi porta aux ministres forcément démissionnaires ses explications verbales sur un procédé qui devait leur paraître bien étrange. Depuis que le roi avait quitté son royaume, il n’avait cessé de s’infliger des démentis à lui-même[1]. Plusieurs jours se passèrent encore en pourparlers roulant sur quelques clauses du projet de traité qui étaient particulièrement odieuses au roi de Hollande. L’empereur menaçait toujours de réunir purement et simplement, si l’on ne se rendait pas. « Il est temps que cette farce finisse, » écrit-il le 16 mars à son frère. Enfin Louis céda, et envoya la nouvelle de sa résignation forcée à ses ministres, à son conseil d’état et au corps législatif. Ses arrêts furent levés, et il dut se rendre aux Tuileries pour remercier l’empereur ! — « Voilà donc nos affaires finies, » lui dit Napoléon en le voyant venir ; « je regrette d’avoir dû vous causer quelque peine, mais ce n’est pas ma faute. Vous seul en êtes la cause, parce que vous vous êtes laissé engager par vos Hollandais à ne pas suivre le système de la France. »

Voici en résumé la teneur de ce traité, dit du 15 mars, dont l’élaboration avait été si pénible. Art. 1er. Interdiction absolue de tout commerce avec l’Angleterre ; les licences[2] qui pourront être accordées aux négocians hollandais seront délivrées au nom de l’empereur. — Art. 2 et 3 : 18,000 hommes, dont 6,000 français, entretenus, nourris et habillés par la Hollande, coopéreront aux embouchures des rivières avec les douaniers français pour assurer l’exécution du premier article. — Art. 4. L’empereur sera seul juge des difficultés que pourront soulever les prises faites par les corsaires français sur les côtes de la Hollande. — Art. 6. Le roi de Hollande cède à l’empereur le Brabant, toute la Zélande et la Gueldre à gauche du Wahal. — Art. 7. La cession de ces provinces a lieu sans mettre à la charge de la France aucune fraction de la dette nationale hollandaise. — Art. 8. La Hollande entretiendra, pour coopérer avec la marine française, une escadre de 9 vaisseaux, 6, frégates et une flottille de 100 chaloupes canonnières. Suivent des articles relatifs à la saisie

  1. Le public, qui ignorait encore la nature réelle des rapports de Louis et de l’empereur, ne voyait dans toutes ces variations de la politique royale que des preuves nouvelles de l’instabilité, il est vrai assez grande, de son caractère. Une caricature anglaisa publiée à cette époque, et qui eut un grand succès, représente le roi de Hollande tenant de la main droite une liasse de papiers sur laquelle on lit ordres, de la main gauche une autre liasse intitulée contre-ordres ; sur son front est écrit le mot désordre.
  2. C’est-à-dire les autorisations octroyées à quelques armateurs de transgresser les lois du blocus.