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propre à cette production, n’est pas placée sous le même régime. Le fermier recueille et manipule lui-même l’opium ; les facteurs l’expédient à Bombay pour y être embarqué sur des navires en partance pour la Chine. Le gouvernement perçoit sur chaque caisse un droit de 600 roupies.

M. Laing poursuivit sans relâche le plan financier, qu’il avait adopté. Il y apporta un tempérament si juste, des vues si claires, une intelligence si supérieure, qu’au bout de deux ans son budget s’équilibrait au grand étonnement des deux pays. Il est vrai que le ministre des Indes est bien placé pour obtenir un tel résultat. Il n’a pas à compter avec une chambre des communes, ni à ménager l’opinion publique, ni à craindre les récriminations de la presse. Quand il est soutenu par le vice-roi, il peut tailler en plein drap, rogner les dépenses de tous les départemens, accroître les ressources de l’état par des taxes judicieusement imposées. En retranchant d’un côté, en ajoutant de l’autre, la balance devait tôt ou tard s’établir ; mais, en agissant avec cette vigueur, il s’était attiré bien des ennemis. S’il n’avait pas à redouter la presse et l’opinion publique aux Indes, il devait craindre les correspondances occultes. L’impôt sur le revenu atteignait les gros traitemens, ceux qui sont les plus irritables. Ont-ils fait porter leurs plaintes ou leurs gémissemens jusqu’aux ministres de ka reine ? C’est bien probable, car M. Laing fut rappelé et remplacé par l’ex-gouverneur de Madras, sir Charles Trevelyan, qui s’était posé en adversaire décidé de l’income-tax, et qui n’eut rien de plus pressé que de le supprimer ; mais, comme il n’était pas possible de rouvrir la carrière des déficits, il crut qu’il pourrait remplacer cet impôt par une augmentation assez sensible des droits d’entrée et de sortie sur les marchandises. Ces mesures intempestives et irréfléchies jetèrent la perturbation dans le commerce. Les négocians de Liverpool et les industriels de Manchester mirent en commun leur activité et leur influence pour faire rejeter le budget de 1866 et obtenir le rappel du ministre, qui préféra être relevé de ses fonctions plutôt que de rétablir l’impôt sur le revenu. Son successeur, M. Massey, demanda au conseil législatif de remplacer l’income-tax par l’impôt sur les patentes. Cette proposition, appuyée par tous les fonctionnaires et les nobles hindous, fut vivement combattue par les membres indépendans de l’assemblée. Ils demandaient pourquoi l’on déchargeait le capital aux dépens du travail, et n’avaient pas de peine à prouver que cette mesure fiscale nuirais essentiellement à la prospérité du pays. Ils auraient sans doute entraîné, la majorité du conseil, si le ministre n’avait déclaré qu’il se retirerait dans le cas ourson projet ne serait pas accepté. Il comptait sur cette taxe pour réaliser des sommes