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recours à ce produit qui stimule l’imagination et fait entrevoir les plus brillans mirages. « Nous sommes, dit-il, dans les mêmes conditions que tous les ministres des finances des états de l’Europe, qui mettent à profit les penchans qui dominent les masses pour remplir leur trésor, et si jamais les avocats de la tempérance parvenaient à inspirer à ces masses du dégoût pour les liqueurs alcooliques et le tabac, ils jetteraient dans les budgets de ces états une perturbation bien plus grande que ne pourrait le faire l’abandon de l’usage de l’opium dans celui des Indes. » Et M. Laing ajoute en terminant l’apologie de ce revenu : « Ce n’est pas ici le lieu d’examiner dans toutes ses parties le côté moral de la question. J’ai entendu émettre par des personnes qui avaient été en Chine les opinions les plus contradictoires. Les unes accusaient l’administration des grandes Indes d’empoisonner les Chinois par amour pour un gain coupable, les autres affirmaient que la substitution d’un stimulant comparativement placide à des boissons enivrantes, causes de tant d’actions criminelles, avait eu les plus heureux résultats. » Mais M. Laing oublie qu’il y a une différence notable entre un impôt et un bénéfice. Un impôt, surtout quand il est très élevé, est un obstacle à la consommation ; le monopole au contraire active la vente autant qu’il peut. Les gouvernemens anglais ou français ne distillent pas l’eau-de-vie ou le vin ; le gouvernement anglo-indien manipule l’opium. C’est un industriel dans toute la force du mot. Qu’il fasse rentrer cette culture dans le droit commun, que le commerce de cette drogue soit aussi libre que celui des autres produits indiens, et l’on ne fera pas remonter jusqu’au gouvernement le mal qu’elle produit. Quant au reste, les Chinois sont bien libres de détruire leur santé avec ce somnifère, comme les Européens avec les liqueurs fortes. Des hommes compétens toutefois affirment que les boissons alcooliques tuent beaucoup plus de monde en Europe que l’opium en Chine. Depuis l’année 1852, l’exportation de l’opium a été toujours en augmentant, et comme la demande a surpassé de beaucoup la production, il en est résulté une hausse considérable. Dans les cinq premières années, la caisse de 120 livres coûtait 885 roupies, un peu plus de 2,200 francs ; il y a peu de temps, elle valait 1,593 roupies. La Chine ou plutôt les provinces de cet empire qui entretiennent avec l’Inde des relations commerciales consomment chaque année pour 15 millions de liv. sterl. d’opium. Il est probable que les provinces centrales se servent d’une qualité inférieure qu’elles cultivent elles-mêmes. Bien que la culture du pavot s’étende dans des contrées fort éloignées les unes des autres, il n’y a que celle du Bengale qui soit monopolisée par l’état. La province occidentale du Malva, dont le terrain est tout particulièrement