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scientifique et littéraire qui alimente l’esprit et lui donne de la vigueur.

Cependant l’Inde anglaise, eu égard à son étendue et aux déserts qu’elle renferme encore, est un des pays les plus peuplés de ce monde. Sous ce rapport, les Hindous peuvent marcher de pair avec les Chinois. Les uns et les autres fournissent de larges contingens à l’émigration. Les deux tiers presque de cette population se trouvent sous la dépendance directe de la Grande-Bretagne. Ils forment quatre présidences : trois anciennes, celles du Bengale, de Madras et de Bombay ; une nouvelle, celle d’Agra ou du nord-ouest. Le dernier recensement accuse pour ces quatre gouvernemens une population de 112,102,429 âmes. À ce chiffre, il faut ajouter les habitans de sept autres provinces qui sont également sous la domination immédiate de la couronne, mais qui ne sont pas encore érigées en groupes présidentiels. Leur nombre s’élève à 39,886,884, ce qui fait un total de 151,989,313 âmes, qui composent l’empire indo-britannique. Ce n’est pas tout, la couronne d’Angleterre compte un nombre assez considérable de vassaux. Ce sont des rajahs auprès de chacun desquels le gouvernement entretient un résident qui a souvent plus d’autorité que le prince lui-même. L’on ne peut évaluer que fort approximativement la population de ces états secondaires, dont quelques-uns, comptent plusieurs millions d’habitans ; néanmoins on ne s’écarte pas trop de la vérité en portant le chiffre des Asiatiques sur lesquels le sceptre d’Angleterre étend sa domination à 180 millions. Ce sera le plus grand empire du monde, si la Chine continue à se désagréger.

Depuis 1858, le gouverneur-général des possessions anglaises aux Indes prend le titre de vice-roi. Dans les dix années qui viennent de s’écouler, quatre vice-rois ont été successivement à la tête de l’empire indo-britannique : lord Canning, lord Elgin, sir John Lawrence et le comte Mayo, qui occupe encore ce poste à l’heure qu’il est. Le premier y resta près de six ans. Aucun gouverneur n’a eu à traverser des momens aussi difficiles, et aucun n’a essuyé une critique aussi sévère. Ce ne sont pas les capacités de l’homme d’état qui lui faisaient défaut, on peut dire qu’il était à la hauteur de sa position ; mais à peine fut-il arrivé qu’il se trouva en présence d’une formidable insurrection, résultat d’imprudentes mesures de son prédécesseur et des ministres qui avaient dégarni le pays de troupes européennes pour fortifier l’armée de Crimée et ensuite celle de Perse. On lui reprocha de n’avoir pas du premier coup et par des mesures énergiques étouffé la révolte des cipayes. C’est que son caractère répugnait à la précipitation fiévreuse. Flegmatique, réservé, il semblait de glace au milieu de cette atmosphère embrasse