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Ce bill donna lieu à des débats très vifs, que des incidens produite par le bureau du contrôle envenimèrent et compliquèrent considérablement. Enfin, après deux mois de stratégie parlementaire par laquelle les whigs espéraient ressaisir le pouvoir, les tories restèrent maîtres au champ de bataille, et le bill fut adopté.

Par ce bill, la couronne se substituait en tout et pour tout à la compagnie des Indes orientales. La cour des directeurs était supprimée, le bureau du contrôle devenait un ministère, composé du ministre des Indes, membre du cabinet, et d’un conseil de 15 membres, dont 8 à la nomination de la couronne et 7 au choix de leurs collègues. Pour la première fois, ces 7 membres furent nommés par la cour des directeurs avant qu’elle fût dissoute. Toutes les questions essentielles d’organisation étaient réservées au parlement, toutes celles d’un intérêt secondaire étaient confiées à un conseil législatif établi à Calcutta. Ce bill ne changeait rien à l’administration indienne. Le personnel restait le même, la position du gouverneur-général et des autres fonctionnaires n’était pas atteinte. La révolution s’était concentrée dans la région des pouvoirs métropolitains.

Tel était l’état de l’empire anglo-indien au sortir de cette redoutable révolte qui avait menacé de tout anéantir. Nous allons suivre M. Prichard dans le récit qu’il nous fait des dix années qui viennent de s’écouler sous le nouveau gouvernement ; il s’est trouvé dans les meilleures conditions possible pour bien connaître les hommes et juger sciemment les choses.


I

Quand on a devant soi une carte de l’Asie, le pays qui frappe le premier les regards, c’est l’Inde, tant la nature en a dessiné fortement les contours. Détachée du continent par le plus magnifique système oréographique du monde, elle s’avance dans la mer comme pour s’y baigner et inviter en même temps le soleil à la caresser de ses plus chauds rayons. De vastes cours d’eau qui descendent des hauteurs himalayennes lui fournissent l’élément dont elle a le plus besoin pour donner à son sol une fertilité exceptionnelle. C’est une nature aux grands traits climatériques, et dont les excès météorologiques inspirent à l’homme une véritable terreur. Tantôt ce sont des inondations qui convertissent les plus luxuriantes plaines en une vaste méditerranée, tantôt ce sont des sécheresses qui calcinent la terre en détruisant tous les germes, et font périr de faim des millions d’habitans. La violence du vent y est connue, et les ravages des cyclones ont rempli naguère les colonnes de nos journaux. En