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hollandaises absolument sur le même pied que celles de France. La réponse de l’empereur, qui lui fut remise seulement quelques jours après, était désespérante. Cette fois Napoléon prenait moins à partie la Hollande et l’esprit hostile du peuple hollandais que son frère lui-même, dont il accusait les intentions, dont il incriminait les actes avec la dernière dureté. « Votre majesté, en montant sur le trône de Hollande, a oublié qu’elle était française, et a même tendu tous les ressorts de sa raison, tourmenté la délicatesse de sa conscience, pour se persuader qu’elle était hollandaise… J’ai eu la douleur de voir en Hollande, sous un prince de mon sang, le nom français exposé à la honte… Les discours émanés de votre majesté à la nation se sont ressentis de ces mauvaises dispositions… Qui a donc pu justifier la conduite insultante pour la nation et offensante pour moi qu’a tenue votre majesté ? Vous devez comprendre que je ne me sépare pas de mes prédécesseurs, et que, depuis Clovis jusqu’au comité de salut public, je me tiens solidaire de tout, et que le mal qu’on dit de gaîté de cœur contre les gouvernemens qui m’ont précédé, je le tiens comme dit dans l’intention de m’offenser. » Suivaient de violens reproches sur l’état de désorganisation où le roi avait laissé les forces de terre et de mer, et les perpétuelles violations des lois du blocus. Enfin l’empereur lâchait son dernier mot. Il laissait à la Hollande la rive droite du Rhin, mais à la condition d’une interdiction rigoureuse de tout rapport avec l’Angleterre, de la mise sur le pied de guerre de 14 vaisseaux de ligne, 7 frégates, 7 bricks ou corvettes, d’une armée de terre de 25,000 hommes, de la suppression des maréchaux et des nouveaux titres de noblesse.

En vain le roi courut à Trianon pour implorer son frère, il ne put rien obtenir. « Eh bien ! dit-il, je vais donner mes instructions à mon ambassadeur, je retournerai en Hollande avec ceux qui m’ont accompagné et mon fils aîné. — Comment ! répliqua l’empereur hors de lui, vous voulez retourner en Hollande ! C’est sans doute pour lever contre moi l’étendard de la révolte. Cela ne sera pas. Votre fils, je l’ai mis sous la surveillance de la police, et par conséquent tous les moyens que vous pourriez prendre pour l’emmener avec vous seront inutiles. Quant à vous, j’ai également pris mes mesures pour que vous ne puissiez point partir ; mais, comme il serait possible que vous trouvassiez moyen de les éluder, je vous déclare que, lorsque votre arrivée en Hollande me sera connue, la réunion sera aussitôt irrévocablement décrétée. — Que ne me placez-vous moi-même sous la surveillance de votre police ? Il n’y a plus que cela qui manque. — Vous le serez comme tout autre quand je l’ordonnerai. »

Il n’y avait qu’à baisser la tête. Après bien des hésitations, le roi se décidait à céder à l’empereur le territoire qu’il exigeait, mais en tâchant d’obtenir une indemnité et de diminuer les charges