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glaciaires qui auraient dû se succéder à de courts et réguliers intervalles ? Rien de périodique ne se remarque dans les faits de l’ordre géologique ; on observe au contraire une élévation de température bien supérieure à celle que les phénomènes dont il vient d’être question ont jamais pu produire. Afin de prouver cette chaleur supposée, dont le maximum se place forcément dans le XIIIe siècle, on est obligé de s’attacher aux traditions et aux récits exagérés du moyen âge. Les calculs auxquels on s’est livré, échafaudés sur de petits faits légendaires, sont d’autant moins concluans que le naturaliste n’ignore pas que la végétation européenne a très peu changé depuis les temps historiques les plus reculés, sinon par le fait de l’homme. L’extension des glaciers n’est pas un fait particulier à notre hémisphère ; des vestiges analogues, rapportés également à la période quaternaire, ont été observés dans l’hémisphère austral et démontrent plutôt l’universalité que la périodicité alternative de ces sortes de phénomènes. D’ailleurs, si les eaux et les glaces, par une conséquence de la précession se sont accumulées vers l’un des pôles en plus grande quantité que sur l’autre, ce n’a pu être que par un progrès très lent, et la fonte des glaces n’a dû aussi s’opérer que d’une façon graduelle. On ne saurait concevoir de débâcle assez brusque pour opérer un mouvement général de la masse liquides. Le froid polaire et la calotte de glace qui en résulte ne coïncident pas même avec le pôle réel ; enfin le poids total de ces amas semble trop faible pour avoir jamais pu déplacer le centre de gravité. Il faut nécessairement chercher une autre cause ou avouer l’impuissance d’en concevoir aucune.

La densité présumée plus grande de l’atmosphère aux époques antérieures doit être prise en considération. On sait comment la raréfaction de l’air amène le froid aussitôt que l’on s’élève sur les montagnes. Il suffirait sans doute d’accroître l’épaisseur de la couche atmosphérique pour la rendre capable d’accumuler plus de chaleur ; non-seulement les végétaux et les animaux des premiers âges semblent avoir vécu sous un ciel plus voilé et plus lourd, mais reflet même d’une chaleur plus concentrée serait de réduire à l’état de vapeur une plus grande quantité d’eau et d’accroître ainsi la tension de l’atmosphère. L’étude même de la géologie semble démontrer que dans le passé les pluies et les phénomènes relevant de l’action des eaux courantes ont présenté plus d’intensité que de nos jours. L’atmosphère de son côté a perdu une grande partie des gaz qu’elle renfermait originairement, et qui se sont fixés en entrant dans la composition de différens corps. Diminuée d’étendue, elle n’a pu contenir la même quantité de vapeur d’eau, et a laissé échapper le surplus, qui est allé grossir la masse liquide. On voit que la chaleur elle-même contribuait à maintenir un état atmosphérique