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leur sang, qui en est privé, communique de l’énergie à leurs mouvemens, et favorise l’éclosion de leurs œufs. Les végétaux jurassiques recueillis dans l’Inde anglaise font voir de leur côté que rien ne distinguait à ce moment les flores des pays voisins de la ligne de celles de nos pays, et que les différences, lorsqu’elles existent, portent sur des détails secondaires, mais non pas sur le fond.

En remontant plus haut, nous rencontrerions de nouveaux documens et de nouveaux phénomènes, mais aucun ne viendrait contredire la croyance à l’égalisation des climats par toute la terre et l’influence d’une chaleur n’excédant nulle part certaines limites. Tout porte à penser cependant, lorsque l’on aborde le temps des houilles et l’âge le plus reculé de l’histoire des êtres organisés, que, si rien n’est changé relativement à l’action du foyer calorique qui inonde la terre entière de ses effluves, d’autres changemens ont dû se produire, et qu’ils furent sans doute assez profonds pour imprimer à notre globe un aspect très éloigné de celui qu’il a présente depuis, et pour créer même des conditions d’existence dont rien ne saurait plus nous donner l’idée.

L’épaisseur beaucoup plus grande de l’atmosphère tamisant une lumière diffuse chargée de brumes tièdes et lourdes, des étendues continentales amoindries et morcelées, le globe lui-même moins contracté et occupant une plus large surface, la chaleur intérieure enfin se manifestant au dehors par certains effets et sur certains points, telles sont les causes que l’on peut entrevoir comme ayant influé sur la constitution des climats tout à fait primitifs et présidé au développement des êtres les plus anciens ; mais ces causes, si l’on peut les entrevoir vaguement, on ne saurait les analyser, tout au plus pourrait-on insister sur certains faits qui paraissent s’y rattacher plus ou moins. Non-seulement les végétaux analogues à ceux des premiers âges recherchent l’ombre de préférence, comme les fougères, mais les races d’insectes les plus anciennes que l’on ait observées sa tiennent et vivent maintenant encore dans l’obscurité, comme les blattes, les termites, les scorpions. M. Heer, à qui revient cette remarque, pense saisir dans les habitudes actuelles de ces petits êtres une tradition confuse de l’obscurité nébuleuse de ces premiers âges. La lumière, si affaibli qu’en fût l’éclat, existait pourtant, comme le prouvent les yeux réticulés des trilobites. Il est vrai que les perceptions visuelles sont souvent obtuses chez les animaux inférieurs, lorsqu’elles n’y sont pas nulles, et la disposition de beaucoup d’entre eux à fuir une vive lumière, de même que la certitude que leur existence remonte généralement très loin dans le passé, parlerait en faveur de l’opinion émise, d’ailleurs sous toutes réserves, par l’éminent professeur de Zurich.