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dans le passé. Cette progression est naturellement bien plus sensible lorsqu’on aborde le miocène, période antérieure au pliocène, et précédée elle-même d’une période plus chaude encore que l’on désigne sous le nom d’éocène.

Ici les documens abondent dans l’hémisphère boréal tout entier. Ce n’est plus un point isolé comme Lyon dont il est possible de déterminer le climat, c’est la série presque entière de latitudes, du 40e au 80e degré, que l’on a réussi à reconstruire, grâce aux immenses travaux poursuivis par M. Heer depuis dix ans. Une circonstance heureuse est venue accroître le nombre et la valeur des documens relatifs au climat miocène, ce sont les découvertes de plantes fossiles faites sur plusieurs points des régions polaires, et qui devront à raison de leur importance nous arrêter quelque peu.

Les terres polaires arctiques sont disposées au nord des deux continens de manière à circonscrire une grande mer intérieure dont la partie centrale, jusqu’à présent inaccessible, comprend le pôle lui-même. Cette mer communique avec l’Océan-Pacifique par le détroit de Behring, avec l’Atlantique par plusieurs passes. La plus large, située entre l’Islande et la Norvège, donne accès vers l’archipel du Spitzberg, dont la pointe septentrionale dépasse au nord le 80e parallèle, et marque jusqu’ici le point le plus avancé qu’il ait été donné à l’homme d’atteindre. La plus grande largeur de cette mer, en la supposant libre vers son milieu, mesurerait environ 40 degrés ou plus de 1,000 lieues entre le Cap-Nord et le détroit de Behring. Cette largeur serait de 30 degrés seulement en partant du cap Taymir, à l’extrémité de la Sibérie, pour aller aboutir à l’embouchure du fleuve Mackensie, sur la côte américaine opposée. Au point de vue climatologique, la région polaire est circonscrite de tous côtés, vers le sud par une ligne imaginaire, sinueuse, et qui Coïncide très imparfaitement avec le cercle polaire. Cette ligne passe par tous les lieux où la moyenne de chaleur annuelle se réduit à 0 degré, c’est-à-dire où le froid hibernal est assez fort pour annuler la chaleur de l’été. La limite de la végétation arborescente dessine une ligne généralement intérieure par rapport à la précédente, sinueuse et irrégulière comme elle, en-deçà de laquelle on ne rencontre plus que des plantes herbacées, et qui constitue en réalité la véritable frontière de la région arctique[1] les parties boréales de

  1. Ces deux lignes sont très loin d’être concentriques ; leurs sinuosités, au lieu de se correspondre, dessinent des écarts en sens inverse, enfin elles se croisent sur plus d’un point. Ces irrégularités proviennent de ce que la végétation arborescente peut se maintenir malgré des froids très violens, pourvu que la chaleur estivale soit assez intense et assez prolongée pour permettre au ligneux de se former et de se consolider chaque année. C’est ce qui arrive dans la Sibérie septentrionale, tandis que l’Ile de L’Ours et même l’Islande sont dépourvues d’arbres, parce que les étés y sont sans chaleur, bien que les hivers y soient relativement modérés. Les arbres cessent dans le Labrador dès le 57e degré de latitude, tandis que dans la Laponie suédoise on en voit encore au-delà du 70e degré.