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dépasse 100 liv. st. Le bill admet que le petit cultivateur n’est pas libre quand il contracte avec le propriétaire, il faut donc le protéger même contre les exigences auxquelles il aurait été forcé de consentir. Plus son exploitation, est petite, plus est forte la protection que la loi lui accorde. Le locataire qui sous-loue où qui ne paie point le loyer n’a plus droit à indemnité. Ces clauses sont les plus importantes du bill. Elles interviennent dans ce domaine de la liberté des contrats longtemps sacré pour l’Anglais. Elles enlèvent au propriétaire la libre disposition de son bien, puisqu’il ne peut en expulser un tenancier sans payer à celui-ci une forte indemnité. C’est un énergique remède contre les évictions arbitraires. Je ne connais pas d’exemple qu’un peuple ait à ce point fait violence à ses principes et à ses instincts pour venir en aide à une population malheureuse. Aucune législation de l’Europe moderne n’a admis, que je sache, des dispositions aussi révolutionnaires dans leurs conséquences. La chambre des communes les a votées néanmoins parce qu’elle a compris que l’heure des réformes radicales a sonné.

Jusqu’à présent, toutes les améliorations et constructions étaient censées avoir été faites par le propriétaire, qui, en renvoyant le fermier, pouvait s’en emparer. Dorénavant, jusqu’à preuve du contraire, elles appartiendront au tenancier, et le propriétaire devra en rembourser la valeur d’après l’évaluation du tribunal. Ici encore la liberté des contrats n’est pas respectée, car, si dans le bail le locataire renonce au droit d’améliorer ou de demander une compensation de ce chef, cette stipulation sera considérée comme n’étant pas faite volontairement, et par suite elle sera sans effet.

Si le propriétaire veut échapper aux clauses précédentes, il le peut, mais seulement en accordant un bail de trente et un ans à des conditions que le tribunal jugera équitables. Pour mettre un terme aux exigences exagérées des propriétaires et aux rack-rents, le tribunal peut décider que le non-paiement d’un loyer trop élevé ne donne pas le droit de demander l’éviction du locataire. Il peut considérer ces exigences injustes comme apportant un trouble à l’occupation du fermier, et accorder par suite une indemnité à celui-ci.

Une autre partie du bill a pour but de faciliter aux tenanciers l’acquisition des terres qu’ils occupent. Le trésor est autorisé à leur avancer les deux tiers du prix d’achat, qu’ils sont tenus de rembourser en trente-cinq ans moyennant une annuité de 5 pour 100. Le tribunal leur délivrera un titre légal, ce qui est un point très important, car c’est l’incertitude des titres qui est un des principaux obstacles à la diffusion de la propriété. Cette partie du bill ne devrait soulever aucune objection ; c’est cependant celle, dit-on, que la chambre des lords admettra le plus difficilement. Ce serait un étrange aveuglement. Les lords ne voient-ils pas que la propriété