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qu’elles n’avaient été profitables pour lui-même. Son neveu semble avoir coordonné seulement les récits de ceux qui l’avaient accompagné.


II.

Après avoir écouté les témoins oculaires, il nous reste, pour entrer plus avant dans le drame du Vésuve, à consulter les victimes. Aucune relation n’existe, et nous sommes réduits à imaginer par induction ce qui s’est passé à Pompéi et à Herculanum ; mais le sol et les fouilles ont fourni des documens dont l’archéologie doit savoir tirer parti : les squelettes et les cadavres ont une éloquence qu’il faut comprendre et traduire.

Dion Cassius avance qu’au commencement de l’éruption les Pompéiens étaient réunis dans le théâtre. Comme la restauration du théâtre n’était pas achevée, on a proposé de lire amphithéâtre ; mais la rectification a peu d’importance. Que ce fût du théâtre ou de l’amphithéâtre, les spectateurs eurent le temps de se sauver et de regagner leurs maisons. On n’a trouvé dans le théâtre aucun squelette, et les fouilles de l’amphithéâtre n’en ont fait découvrir que deux, soit que des gladiateurs y eussent été retenus captifs, soit que leurs cadavres eussent été oubliés, soit que deux pauvres gens eussent cherché un refuge sous les voûtes qui supportent les gradins.

Quoi qu’il en soit, les Pompéiens furent avertis par la colonne de fumée qui s’élançait du Vésuve ; ils la voyaient des rues, du forum, de leurs terrasses, elle était en quelque sorte sur leurs têtes. Tous auraient pu se sauver, s’ils étaient partis à temps. Les plus sages ou les plus timides se sont enfuis, les autres ont attendu l’événement, et la plupart de ceux qui ne savaient où trouver un autre asile s’enfermèrent dans leurs maisons. Qui peut dire ce qui s’est alors passé ? qui peut calculer les inspirations imprévues de la peur et du désespoir ? Bientôt les ténèbres qui se répandirent sur la campagne, les pierres qui tombèrent avec le fracas de la grêle sur les dalles de l’atrium et les tuiles de la toiture firent croire que le monde retournait au chaos. Quand on vit les cours et les rues se remplir, les colonnes et les murs se fendre par le tremblement de terre, la crainte d’être ensevelis vifs décida une nouvelle série de fugitifs à s’éloigner des lieux habités. Des oreillers, des étoffes repliées, protégeaient leur tête contre les projectiles qui pleuvaient sur eux. Des lampes et des torches éclairaient mal leur course aveugle. « Les citadins, nous dit Dion Cassius, fuyaient dans la campagne, les campagnards se réfugiaient dans la ville. » L’instinct irréfléchi avait pris la place de la raison, comme il arrive