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ment à ses habitudes; puis ce n’était pas seulement dans son conseil, c’était dans son intimité, presque dans sa famille, que le dessein d’enlever à la maison de Saxe l’héritage du trône de Pologne aurait suscité des orages. Cette puissante maison était représentée à la cour de France par le propre frère et par la fille d’Auguste III. L’illustre bâtard Maurice, le héros de Fontenoy, l’honneur des armes françaises, était alors au comble de la renommée. En venant apporter et chercher la gloire sous les drapeaux de la France, il n’avait nullement renoncé à faire servir sa grandeur à celle des siens, et son active influence venait de faire conclure tout récemment le mariage de sa nièce, la princesse Marie-Josèphe, avec le dauphin. La nouvelle dauphine, pleine d’agrémens et de vertus, avait promptement gagné tous les cœurs; elle faisait le charme du cercle de la reine, et trompait même l’ennui du roi toutes les fois que la décence l’obligeait de quitter ses ménages clandestins pour donner quelques instans à son intérieur légitime. Cette âme si douce n’avait qu’une seule passion, l’attachement à sa famille. En lui laissant seulement entrevoir la pensée que sa nouvelle et son ancienne patrie pourraient entrer en conflit l’une avec l’autre, on l’aurait pénétrée de la plus vive douleur.

Il y avait là bien plus de difficultés de tout genre, personnelles et domestiques, qu’il n’en fallait pour décourager Louis XV de suivre une idée politique. Aussi n’osa-t-il même pas faire part de la confidence du prince de Conti à son ministre des affaires étrangères, le marquis d’Argenson, esprit entier et caustique, des plus hostiles à la Pologne, et qui n’accueillait d’ailleurs qu’avec dédain les idées d’ autrui. Par un de ces moyens termes que goûtent souvent les âmes faibles, ne pouvant renoncer à un dessein qu’il n’osait avouer, il autorisa, il encouragea même le prince à ne pas repousser les ouvertures qui lui étaient faites et à se ménager l’avenir en entretenant des relations avec ceux qui avaient jeté les yeux sur lui. Conti lui ayant alors fait observer qu’un peu d’appui lui était nécessaire pour donner crédit à sa parole dans un pays où il n’était pas connu et où rien ne se faisait sans argent, le roi fit un pas de plus : il lui promit de lui venir en aide sur les fonds de sa cassette privée, et consentit même que subsides et correspondances passassent par l’intermédiaire du résident de France à Varsovie, M. Castéra. Cet agent n’était ni le seul ni le principal qui fût chargé de veiller aux intérêts de la France dans ces contrées lointaines. Un ambassadeur accrédité auprès de l’électeur-roi le suivait dans ses diverses résidences, et habitait ordinairement Dresde, où Auguste III, préférant ses domaines héréditaires à son royaume électif, faisait sa demeure de prédilection. Le résident, fonctionnaire plus humble.