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tion le champ le plus vaste quand il s’agit de la création du globe ou des transformations de la surface terrestre. Les voyageurs qui ont navigué jusqu’en Sicile et jusqu’en Grèce ne peuvent manquer d’être frappés par une des hypothèses émises par les géologues sur l’origine de la mer Méditerranée. Ils supposent qu’à une époque relativement rapprochée de nous il s’est produit une dépression générale de cette partie de la terre ; ce qui était plaine est devenu bassin, ce qui était montagne est devenu île, tandis que par un mouvement simultané le plateau intérieur de l’Afrique s’exhaussait, déversait ses eaux dans le nouveau bassin et faisait surgir le Sahara : après avoir été le fond de la mer, le Sahara devenait un désert. Les sables attestent une révolution dont l’Atlantide de Platon et les colonnes d’Hercule semblent, chez les Grecs, un lointain souvenir.

Ce qui paraît constant, c’est que, ou par suite de l’affaissement ou par sa constitution primitive, le fond de la Méditerranée est le point le plus faible de cette partie du globe ; c’est là que la croûte terrestre présente son minimum d’épaisseur, c’est-à-dire de résistance contre la pression du feu, des vapeurs et des gaz qui cherchent à s’échapper violemment de l’intérieur. C’est pourquoi l’on observe une ligne de volcans ou de phénomènes volcaniques qui part de la Syrie et de la Mer-Morte, passe par l’archipel grec et la presqu’île de Méthana, se relie au Vésuve et à l’Etna en se ramifiant vers le nord jusqu’aux volcans éteints de la Toscane et peut-être de l’Auvergne. Sur le grand axe qui traverse la Méditerranée de l’est à l’ouest se produisent les tremblemens de terre qui dans tous les temps ont secoué les villes, celles de l’Asie-Mineure sous Tibère, celles de la Campanie sous Néron, Lisbonne au siècle dernier, Corinthe et Thèbes il y a peu d’années, Leucade il y a peu de mois.

J’ai nommé les volcans éteints de la Toscane, qui avaient laissé dans l’antiquité des traces assez sensibles pour frapper l’imagination des peuples étrusques. Les Grecs montraient aussi le cratère éteint de la presqu’île de Méthana, reconnu récemment avec sa forme vraiment classique par M. Fouqué. Les Romains voyaient au-dessus de leurs têtes le mont Albain (Monte-Cavo), qui avait vomi jadis d’immenses quantités de scories et de laves, et dont les deux cratères, remplis par les eaux des pluies et des sources, se sont aujourd’hui transformés en lacs aux frais ombrages (Albano et Némi). Le Vésuve était moins célèbre chez les anciens, tant ses premières éruptions avaient laissé peu de traces, ou, pour mieux dire, tant elles avaient été absolument oubliées. À peine quelques savans osaient-ils dire que c’était un volcan éteint, et leur opinion faisait sourire leurs voisins, qui ne voyaient que la beauté du site et la fécondité du sol.