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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

raclé à l’intérieur. Ici le doute n’est guère possible, le cannibalisme paraît bien être démontré. Or à Chauveau et ailleurs, comme à Montesquieu-Avantes, les os humains fragmentés sont mêlés à des débris de repas. Comment expliquer leur présence en un pareil lieu sans admettre la même cause ? Aussi, tout en appelant une vérification fondée sur les observations de M. Steenstrup, il me paraît bien probable que les conclusions de M. Spring ne sont que trop fondées. L’archéologie préhistorique donne ainsi plus de poids aux passages des auteurs anciens rappelés par M. le professeur Pétersen de Stockholm, et d’où il résulte que l’anthropophagie aurait régné sur divers points de l’Europe, même dans les temps historiques. Suétone entre autres parle d’un peuple breton qui mangeait la chair humaine, et préférait celle des femmes et des enfans. N’est-ce pas l’histoire des hommes de Chauveau ?

Ne soyons ni scandalisés ni surpris outre mesure de ces faits. Il y aurait de notre part un amour-propre bien mal placé à méconnaître que nos premiers ancêtres étaient de vrais sauvages, comparables de tout point aux plus pauvres, aux plus misérables tribus que nous connaissons. Or on sait bien que parmi ces dernières il en est encore pour qui la chair de leurs semblables est un mets recherché. Il n’y a rien d’étrange à retrouver chez nous, dans ce passé lointain, des goûts, des habitudes, qui nous révoltent aujourd’hui. Nous savons en revanche que des populations placées aux derniers degrés de l’échelle humaine n’ont pourtant jamais montré aux voyageurs la moindre trace d’habitudes anthropophages et les ont même en horreur. Il en était sans doute de même autrefois. On ne peut donc rien conclure de l’une de ces vieilles races à l’autre, et la question de l’anthropophagie est encore une de celles qui ne comportent que des solutions restreintes et locales.


V.

Quoi qu’il en soit, l’Europe entière a eu ses peuples sauvages, parfois plus féroces à coup sûr que celui des kjœkkenmœddings, qui n’a pas laissé un seul os humain parmi ses débris de cuisine. Qu’étaient ces peuples au point de vue anthropologique ? Au début, étaient-ils d’une seule race ou bien présentaient-ils déjà des différences analogues à celles qui distinguent de nos jours les divers rameaux de la famille humaine ? étaient-ils bien différens de ceux que nous observons aujourd’hui ? Ces questions générales ont été plutôt indiquées que traitées au congrès de Copenhague ; encore ne l’ont-elles été guère qu’au point de vue danois. Une inspection sommaire