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l’homme des dolmens, tandis qu’ils étaient inconnus à l’homme des kjœkkenmœddings.

Du reste, ajoute M. Worsaae, en dehors de toute autre considération, l’étude seule des monumens et des objets qu’on y trouve suffirait pour motiver la séparation des populations dont il s’agit, pour démontrer qu’elles se sont succédé sur le sol de l’ancien Danemark. Les antiquités des kjœkkenmœddings appartiennent à des types tout particuliers, que l’on ne saurait confondre avec ceux des dolmens. Il y a là autre chose qu’un perfectionnement. Sans doute dans quelques cas on a constaté, là comme ailleurs, des transitions d’une époque à l’autre. En particulier, on a trouvé quelques instrumens en pierre polie au milieu des débris de cuisine. Pourtant d’une part aucun de ces objets n’est en silex, cette roche caractéristique de l’industrie des dolmens ; d’autre part, de pareils faits sont extrêmement rares et ne se sont rencontrés que dans un petit nombre de kjœkkenmœddings. La très grande majorité de ceux qu’on a étudiés n’ont rien présenté de pareil. Celui de Meilgaard, entre autres, long de 40 mètres, large de 35 mètres, haut de 3 mètres, a été minutieusement fouillé sans qu’on ait trouvé autre chose que les types caractéristiques, sans la moindre trace de polissage. Peut-on supposer qu’une population sédentaire et vivant sur place pendant de longues années n’ait pas laissé un seul spécimen des outils, des instrumens, des armes qu’elle serait censée avoir possédés ? Cette conclusion serait encore en dehors de toutes les analogies. Enfin les types des kjœkkenmœddings manquent absolument en Norvège, dans la Suède orientale et septentrionale, en Finlande, en Russie, tandis que les dolmens, avec tous leurs caractères, existent dans les mêmes contrées. N’est-il pas évident, d’après cet ensemble de faits, que ces deux sortes de monumens appartiennent à deux populations distinctes ?

L’homme des kjœkkenmœddings, conclut l’éminent archéologue, a été le premier habitant du Danemark. Il a ouvert dans ce pays l’âge de la pierre, que devait clore l’homme des dolmens. Cet âge, ici comme ailleurs, présente les deux grandes divisions de la pierre taillée et de la pierre polie, sans doute reliées par une courte période de transition. La première comprend l’ère des kjœkkenmœddings ; elle a commencé soit vers la fin des temps où le renne vivait en France, soit peu après cette époque, et correspond chronologiquement à la période de la pierre polie du reste de l’Europe, fournissant ainsi un nouvel exemple de l’inégalité du développement social chez des populations contemporaines.

Entre des hommes comme MM. Steenstrup et Worsaae, divisés sur la question des kjœkkenmœddings et des dolmens, il est évi-