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qu’à se rendre au Ponte-Molle. Un spirituel écrivain a comparé facétieusement leur forme à celle d’un parapluie qui tantôt serait ouvert et tantôt serait fermé; il ne croyait pas si bien dire. Le pin est en effet un parasol, mais un parasol royal, et en le regardant on songe à ces ombrelles, qui sont des tentes, sous lesquelles voyagent les rajahs de l’Orient. C’est le pin qui a créé le paysage historique, car à son aspect la pensée en naît spontanément dans l’esprit; c’est en effet le seul arbre qui puisse abriter également les bergers, les héros et les dieux. Ses rameaux sont assez austères pour que la Vesta mater aime à promener sa chasteté sous leur ombre, assez élégans pour que la chaude Vénus aime à leur demander l’apaisement de ses ardeurs; Sylla, après avoir abdiqué la dictature, peut venir chercher le repos, Cicéron discourir avec ses amis de la morale platonicienne sous la protection de son dais verdoyant.

J’ai dit que la villa Pamphily ne contenait aucun objet d’art; elle en contient un cependant, et qui a, pour nous Français, un intérêt particulièrement sensible. C’est à la villa Pamphily que commença en 1849 l’attaque de Rome par les troupes françaises, non sans quelque dommage pour le superbe parc. Un monument funèbre, élevé dans un coin de la villa, marque cette date d’une manière durable, et sur un des flancs de marbre de ce monument je lis que c’est le prince Philippe-André Doria qui, mû de piété ou de pitié (pietate peut avoir l’un ou l’autre sens), le fit ériger pour donner la sépulture aux soldats français tombés dans le combat.


II. — SAINT-ONUPHRE. — SOUVENIRS DU TASSE. — LÉONARD DE VINCI A ROME. — LE PINTURICCHIO.

Sur la seconde pointe du Janicule se dresse, comme un château-fort de la religion, le cloître de Saint-Onuphre; aræ pacis, aræ quietis, me répétais-je pendant que je gravissais la colline en pensant que c’était à cette forteresse inoffensive que le charmant Torquato Tasso était venu demander un abri contre les derniers assauts du monde. Ce cloître fut l’Ararat où s’arrêta enfin sa faible barque si longtemps noyée des pluies du ciel et si cruellement secouée par la marée de la vie; c’est là qu’il fut surpris par la mort pendant qu’il attendait le couronnement promis par le pape Aldobrandini, pontife remarquable, sur la mémoire duquel pèsent cependant deux torts bien graves, une négligence et une atteinte à la justice : la négligence, ce fut de ne pas hâter le couronnement du Tasse ; l’atteinte à la justice, ce fut de permettre l’exécution de la petite Béatrice Cenci après lui avoir fait grâce une première fois, — alors qu’elle méritait plutôt une récompense nationale pour avoir débarrassé le